Le complexe de Jonas

 

 Le complexe de Jonas bosch-1-300x216

Monstre à tête d’oiseau, Bosch

e26d191a-ee594ab-db9ce-300x245

 

bosch-300x158

 Le Jardin des délices, par Jérôme Bosch

jerome-bosch-figurine-creature-arbre-humain-300x300

Le Jardin des délices, Détail par Jérôme Bosch

« Nous proposons de remettre les images dans la double perspective des songes et des pensées » indique Bachelard à la fin de « La terre et les rêveries du repos ». Car l’image aide à penser le concept et la pensée aide à analyser l’image.

Un exemple serait donc plus parlant : celui de Jonas et la baleine donne tout à la fois matière à plaisanter et à rêver.

Plaisanter : Jonas logeant dans la dent creuse de la baleine (image), alors qu’une baleine n’a pas de dents (concept)…

Rêver : produire ce que Bachelard appelle des auto-Jonas comme le rêve de vivre vraiment chez soi au centre de son être ou dans son propre ventre, faire sa propre cabane, son petit coin du monde, au centre du plus gros des ventres du monde. Ces rêveries d’aménagement restent de loin les plus significatives, non seulement parce qu’elles rejoignent les rêves d’intimité de la grotte, mais aussi parce qu’elles trouvent des équivalents dans le réel ; ainsi, quel enfant ne s’est pas étonné de retrouver un animal dans le ventre d’un autre animal : « que d’objets qui ont ainsi un profil gastronomique ! A les contempler, on s’explique de nombreuses tentations morbides  » . Tel est pris qui croyait prendre, semblent aussi nous signifier les avaleurs de Jérôme Bosch … Qui jouit le plus, l’avaleur ou l’avalé ? Derrière ces images apparemment naïves ou plaisantes de contes pour enfants et autres couleuvres que nous faisons avaler à toutes sortes de personnages fantasmagoriques, se cache « une crainte lovée dans l’inconscient de tout homme » : être avalé par celui que l’on croyait pouvoir avaler. Phénoménologie des cavités.

Certes le ventre est une cavité accueillante et l’on peut vouloir y retourner : ainsi le complexe de Jonas ne serait qu’un dérivé du complexe de sevrage, tel Gargantua avalant non pas son médicament mais son médecin, non pas son lait mais sa nourrice. Intimité de la matière (mater). Mais, comme l’indique la ruse du cheval de Troie, un être qui en habite ou en cache un autre peut être aussi le symbole d’une aliénation ou d’un étouffement par l’autre : il faut alors reconquérir son espace de liberté en grignotant l’autre de l’intérieur. Car on oublie souvent que le héros est finalement rendu à la lumière, séparé de la matrice, renaissant à la vie, après avoir allumé un  feu à l’intérieur ou tranché le flanc  de la baleine … Dès lors, c’est la volonté d’avaler à son tour le monde qui l’entoure qui traduira le mieux la volonté de vivre et d’apprendre ; avaler des yeux l’être aimé ou avaler des quantités de connaissances sont autant de manière de s’approprier l’être avalé tout en le laissant intact. Tandis que croquer ou mordre … Dans ce cas l’avalé subit un mauvais traitement, dévoré ou découpé en morceaux … On pourrait ainsi interpréter les images matérielles à l’infini : il y a, pour Bachelard, des Jonas cachés partout.

Psychologie digestive à laquelle Sartre ne fut pas indifférent non plus … Outre l’article consacré à l’intentionnalité husserlienne où il fustige les philosophies alimentaires et essaye tant bien que mal de se libérer du vocabulaire du dedans et du dehors, il y a dans l’Etre et le néant  un passage lumineux (p. 640) : « Connaître c’est manger au dehors sans consommer  » . Il compare ainsi la quête scientifique qui consiste à rester dehors (monsieur est sorti) tout en voulant assimiler et com-prendre, tout à la fois caresse de surface et pénétration de la matière des choses, au désir de l’amoureux qui voudrait s’identifier à l’être aimé tout en lui conservant son individualité. « C’est pourquoi le désir de connaître est, si désintéressé qu’il puisse paraître, un rapport d’appropriation  » .

Lamoketterie |
lesbullesdannick |
Fatimacousinrachdi |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Assodesfalaises
| Un pas vers les etoiles
| Ehua