Le bonheur selon le DJ de Camus

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Albert et Jean-Paul, par Gilbert Pinna, dessinateur et professeur de philosophie

Le désir se nourrit de lui-même et la mort d’un désir s’accompagne bien souvent de la naissance d’un autre (« un clou chasse l’autre »). C’est pourquoi nous désirons toujours plus et autre chose que ce que nous sommes ou que ce que nous avons déjà : comment dans ces conditions se contenter de ce que l’on est ou de ce que l’on a ? Le bonheur, si on le définit comme satisfaction des désirs, ou accord entre le réel et le désir, n’est jamais présent, mais fictif ou virtuel puisqu’il n’apparaît que comme une possibilité future, liée à la réalisation de certains conditions qui manquent à notre situation présente. Le bonheur se conjugue toujours au conditionnel : « qu’est-ce que je serais heureux … si j’étais heureux ! » (Woody Allen).

C’est ce même manque, paradoxalement, qui à la fois nous donne envie d’être heureux (désir de l’autre du bonheur) et nous empêche de l’être (désir d’un bonheur toujours autre, toujours différent ou différé). Ce qui nous fait désirer être heureux nous empêche de l’être ..

Don Juan l’a bien compris, selon Camus: l’impossibilité de combler le désir amoureux  peut conduire au désespoir triste, mais aussi à l’absurde répétition du désir ou de l’histoire sur elle-même : « plus on aime et plus l’absurde se consolide » (p 97) ; DJ a compris que ce que l’autre désire, c’est une certaine image de lui-même dans le regard de l’amoureux (d’où les mêmes phrases qu’il reserve pour plusieurs femmes, l’amour n’est pas exclusif mais chacune entend et interprète la phrase comme si elle n’avait été écrite que pour elle, la pauuuuuvre) ; il a compris qu’il n’y a rien à espérer et que le bonheur est impossible (d’où l’absence de nostalgie ou de crainte). Il s’est réapproprié ce que nous subissons d’habitude, à savoir le caractère insatiable du désir et inaccessible du bonheur. Il a choisi d’être le désir, de s’ouvrir à tous les possibles, donc de devenir à chaque fois un nouveau désir, tout en se (le) sachant périssable « Don Juan a choisi d’être rien » (p 102).

Ainsi, paradoxalement, ce qui fait la réussite du désir amoureux est précisément son échec car c’est son caractère insatiable qui lui permet de perdurer : « tout le plaisir de l’amour est dans le changement » dit Dom Juan. Mais il faut ici souligner que c’est au moins autant par peur de l’ennui que par désir de préserver le désir intact que Dom Juam passe de femme en femme ; son désoeuvrement repose d’ailleurs sur l’illusion d’avoir fait le tour de l’autre et d’en savoir assez sur son compte : « lorsqu’on est maître une fois, il n’y a plus rien à dire, ni rien à souhaiter ; tout le beau de la passion est fini« .

Sagesse du dés-espoir, un dés-espoir lucide et gai donc, selon Camus (au sens d’absence d’espoir, différant sans cesse le moment de la satisfaction). Ainsi le bonheur a goût de désespoir, car nous ne sommes heureux qu’à condition de ne plus espérer d’autre bonheur que le bonheur présent : « Toute espérance est déçue, toujours ; il n’est de bonheur qu’inespéré ». (Comte Sponville). C’est pourquoi il faut dés-espérer d’être heureux pour être heureux et cesser de désirer le bonheur et de le différer pour le tenir enfin, libéré de l’espoir (de l’atteindre) et de la crainte (de le perdre). Le bonheur a goût de fraise et de bière, pourrait dire Don Juan, à la façon de Comte Sponville, car « Don Juan n’espère pas « …

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