Trois fois rien ou comment 3X0 =1

 

Trois fois rien ou comment 3X0 =1 philo

L’homme est trois fois rien. Le pour soi est en effet le seul être qui ait le sentiment de sa propre gratuité : il se sent de trop, n’étant là pour rien et ce rien se décline de trois manières, il n’est presque rien pour trois raisons essentielles :

1) au sens où le pour soi est là à cause d’un petit rien ; un rien suffit pour fissurer l’en soi et faire apparaître le pour soi ; imaginons que l’être en soi soit un bloc de ciment dense, figé, plein de lui-même, mais aveugle ; un beau jour (celui de l’événement ontologique) une fissure apparaît dans le bloc de ciment, qui l’oblige à se séparer de lui-même, à se pencher sur lui-même comme si il ne coïncidait plus avec soi ; il devient alors un pour-soi, être intentionnel tendu vers ce qui n’est pas lui et bientôt désirant être ou avoir plus et autre chose que ce qu’il est ou a déjà. La tentative de l’être pour se fonder débouche sur une  néantisation de l’en soi, une dégradation néantisante, une « destruction décomprimante de l’en soi » (EN p 122) ;

2) au sens où rien ne justifie son existence puisque tout est contingent, rien ne justifie la rupture ontologique l’être qui aurait pu tout aussi bien être que ne pas être, ou être autrement qu’il est ; les trois ruptures qui ont jalonné l’histoire de l’univers sont toutes des événements contingents : faisant advenir l’être de la matière à partir de rien (pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? Quid du premier atomos ?) ; la rupture biologique (pourquoi l’être inerte est il devenu un être vivant ?) ; et la rupture anthropologique (pourquoi l’être vivant est il devenu un être pensant ?) ; toutes trois constituent des failles non encore élucidées dans lesquelles la croyance peut aisément s’engouffrer, transformant la rupture en miracle. Même Dieu, qui se définit comme cause première n’ayant pas lui-même besoin de cause pour le justifier, est contingent, la nécessité ne pouvant se déduire de la simple possibilité. On pourrait alors croire qu’un homme peut en justifier un autre : après tout, l’existence d’une autre personne ne peut-elle suffire à donner un sens à notre vie ? Mais un existant lui-même contingent ne peut à lui seul justifier l’existence d’un autre existant ; le sens de la vie ne se déduit pas.  « L’histoire ça parle de ce qui a existé – jamais une existence ne peut justifier l’existence d’une autre existence. » (La Nausée) ;

 3) au sens, enfin, où l’homme est une passion inutile, dont le désir est de rejoindre ce qu’il a été originellement tout en conservant les prérogatives du pour-soi ; un être qui serait à la fois un en soi (pour la plénitude et la pleine coïncidence à soi, inconscience heureuse de ne plus avoir à se penser) et un pour soi (pour la force identitaire qui consiste à être une conscience en face du monde, pour le plaisir de se savoir exister). Devenir un être en soi pour soi, désir d’impossible, quête toujours inaboutie. Autant dire que l’homme voudrait être un dieu, plein de lui-même, étant tout, mais séparé de lui-même, conscient de ce tout.

Sartre est donc le seul philosophe chez qui trois fois zéro ne fasse pas zéro mais un, car c’est ce trois fois rien qui fait un homme.

Sophie Astier-Vezon

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