Sartre et l’esthétique de Hegel

Sartre et l'esthétique de Hegel hegel

Même si les références à la philosophie de Hegel sont légion dans l’opus sartrien[1], en ce qui concerne le domaine de l’Esthétique, les allusions à la philosophie kantienne sont de loin les plus nombreuses et les plus significatives : nous pourrions même avancer l’idée que l’esthétique hégélienne sert de repoussoir ou d’épouvantail, tandis que celle de Kant fait plutôt figure d’interlocutrice récurrente. Que veut dire Sartre en effet lorsqu’il affirme : « Je n’ai pas jugé que ça valait la peine de faire une esthétique comme Hegel en a fait une »[2], ajoutant juste après que cela n’a jamais été son ambition ? Encore faut-il être capable de caractériser celle-ci et d’entrevoir quels reproches sous-tendent la remarque de Sartre. Notons tout d’abord que Hegel définit l’esthétique comme une science du beau artistique, ce qui pourrait lui conférer un caractère prescriptif et normatif incompatible avec la liberté de l’artiste, ou- même si l’intention de Hegel n’était que de rechercher ce qu’est le beau en général sans pour autant imposer de règles à l’artiste-, elle n’en adopte pas moins une perspective universalisante, que la pluralité des beautés plastiques et la multiplicité des interprétations rendraient impossibles aux yeux de Sartre. L’histoire de l’art est tendue vers une fin supérieure donc soumise à un diktat téléologique. Par ailleurs, plus qu’une matière sensible, l’art pour Hegel est une manifestation de l’Esprit, allant de l’abstrait vers le concret, ce qui ne semble pas non plus compatible avec une praxis esthétique entremêlant l’art et l’existence des hommes. Enfin, Hegel opère une classification et une hiérarchisation des arts entre eux, autour de trois moments essentiels (symbolique, classique, romantique) ; son esthétique se veut exhaustive et occupe une place centrale dans la recherche du vrai, ce qui nous autorise à parler de système construit et achevé ; or, tout ce que nous avons pu constater jusqu’ici à propos de l’esthétique picturale sartrienne relèverait plutôt de la déconstruction et de l’inachèvement. A la fin de sa vie, Sartre semble habité par des sentiments contradictoires d’échec et de réussite à cet égard : « je n’ai pas fait une œuvre sensationnelle, du type de celle de Shakespeare ou de Hegel, et donc, par rapport à ce que j’aurais voulu, c’est un échec (…) Mais j’ai fait des œuvres que j’ai soignées autant que j’ai pu »[3].


[1] Sur ce point, cf l’article « Hegel », DS, p. 213-217.

[2] Magazine littéraire  N°384-Février 2000, p. 43.

[3] L’Espoir maintenant, Editions Verdier, Dijon, 1991, p. 25-26.

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