L’universel singulier

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La théorie de « l’universel singulier », bien qu’elle apparaisse pour la première fois lors d’une communication sur Kierkegaard en 1966, afin de clarifier le rapport de l’individu à son histoire, et figure déjà implicitement dans la Critique de la raison dialectique, rédigée dès 1958, trouvera sa démonstration la plus accomplie dans les biographies existentielles, dont L’Idiot de la Famille : « c’est qu’un homme n’est jamais un individu ; il vaudrait mieux l’appeler universel singulier : totalisé, et par là-même universalisé par son époque, il la retotalise en se reproduisant en elle comme singularité. Universel par l’universalité singulière de l’histoire humaine, singulier par la singularité universalisante de ses projets, il réclame d’être étudié simultanément par les deux bouts »[1]. Comprendre un homme impliquerait donc d’opérer un mouvement à double détente, ce qui sera le cas avec la méthode « progressive-régressive » : celle-ci, évoquée dans L’Etre et le néant, corollaire au souhait de fonder une psychanalyse existentielle, puis exposée dans Questions de méthode, permet en effet dans un premier temps de replacer l’individu dans son contexte historique (moment régressif allant du présent vers le passé et de l’universel vers l’individuel), puis de montrer comment il parvient à dépasser cette situation, à lui conférer un sens par un projet (moment progressif du passé vers l’avenir et de l’individuel vers l’universel).

Or, chaque peinture du Tintoret ou de Rebeyrolle, pour ne prendre que les deux extrémités de la chaîne picturale sartrienne, incarnerait le problème de toute peinture, de même que chaque combat de boxe, comme l’expliquera la Critique de la Raison dialectique, « est la retotalisation présente de tous les combats » et de toutes les règles inhérentes à ce sport de combat, lequel n’existerait pas sans ces combats singuliers[1]. Dans chaque tableau, chacun pouvant être désigné comme un « universel singulier » au même titre que son auteur, s’incarnerait la problématique de la peinture toute entière, cet « universel abstrait », laquelle n’existerait précisément, en retour, qu’à travers cette pluralité de peintures et de peintres. Certaines de ces problématiques picturales universalisables pourraient d’ailleurs être reformulées ainsi : la représentation de la profondeur sur une toile plate ou celle de la succession temporelle dans la simultanéité spatiale, l’expression individuelle dans un contexte sociopolitique imposé, la trahison de la dure réalité par la beauté des formes, l’engagement de l’artiste dans la matière des choses face au désengagement de la vie imaginaire, l’éternel conflit de l’art et de la société etc.


[1] CRD II p. 29 [c’est nous qui soulignons]. Nous nous inspirons ici des analyses de F. Noudelmann dans Sartre : L’Incarnation imaginaire, p. 121s.


[1] CF « L’Universel singulier », SIT IX, p. 152-190  et IDF I p. 7.

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