Le phénomène image, continuité et rupture de Bergson à Sartre

 

Le phénomène image, continuité et rupture de Bergson à Sartre sartrefranken-231x300Sartre, par Ruth Franken

L’image bergsonienne annonce-t-elle l’image sartrienne ? Le problème de la conscience se pose, chez Bergson, il est vrai, en des termes qui ne sont pas éloignés de ceux de la phénoménologie husserlienne : comment la conscience peut-elle , à partir de ce qu’elle est en elle-même et de ses propres états, se représenter ce qui n’est pas elle ? Ne se rapporter qu’à elle-même, ce serait nier son appartenance à un monde : il faut donc qu’elle soit tournée vers une réalité située en dehors d’elle. Mais, par ailleurs, coïncider absolument avec cette chose, ce serait pour elle être diluée dans un en soi et cesser d’être une conscience : n’est-ce pas précisément ce qui nous sépare de la matière qui nous permet de la penser ? Il nous faut donc assumer pleinement cette ambiguïté constitutive de toute conscience : à la fois structurée par un rapport privilégié à elle-même, et toujours déjà tendue vers autre chose qu’elle-même. La philosophie de Bergson ne serait-elle pas, à cet égard, une des premières philosophies faisant de la conscience une propriété du monde ? Certes, la « donnée immédiate » que Bergson semble privilégier dans ses œuvres n’est pas tant le rapport de la conscience au monde que le rapport de la mémoire à la durée , comme le souligne Sartre : « Bergson ne pense pas que la conscience ait nécessairement besoin d’un corrélatif, ou, pour parler comme Husserl, qu’une conscience soit toujours conscience de quelque chose »[1]. Néanmoins, sa tentative pour dépasser l’opposition traditionnelle entre idéalisme et réalisme le conduit, notamment dans le premier chapitre de Matière et Mémoire, à  rejeter l’idée d’une chose en soi cachée derrière les phénomènes et demeurant inaccessible à la conscience, sans que la réalité devienne pour autant une représentation  n’existant qu’en moi. Or, cela n’est pas sans rappeler l’analyse que fait Sartre dans l’introduction de l’Etre et le Néant : il y a un être propre de l’apparition, donc quelque chose de l’être nous est bien délivré dans le phénomène –il a enfin cessé de nous échapper-, sans pour autant que cet être du phénomène ne se confonde avec le phénomène d’être – il déborde encore la connaissance que nous en avons : « L’apparition n’est soutenue par aucun existant différent d’elle : elle a son être propre… L’objet ne masque pas l’être, mais il ne le dévoile pas non plus : il ne le masque pas car il serait vain d’essayer d’écarter certaines qualités de l’existant pour trouver l’être derrière elles, … il ne le dévoile pas, car il serait vain de s’adresser à l’objet pour appréhender son être »[2] . Il y a donc une réalité pleine de cette apparition, ce que Sartre nommera l’être transphénoménal du phénomène. De la même manière, Bergson critique la déchirure entre la conscience et le monde et reconnaît par là une certaine suffisance- si ce n’est une suffisance certaine- au phénomène : entre autres, « il n’y a pas lieu de chercher dans le mouvement autre chose que ce qu’on y voit »[3]. De Bergson à Sartre, quelle est la part d’héritage quant à la définition de l’image? Ne trouve-t-on pas dans la phénoménologie de Sartre un écho à la théorie bergsonienne, dans la mesure où les images ne sont rien d’autre que ce qu’elles sont pour moi ? Cependant, connaissant la critique qui en est faite dans l’Imagination, notamment à travers la distinction entre le perçu et l’imaginé, où se situe exactement le point de rupture avec Bergson ?

Choses et images

L’usage que Bergson fait de la notion d’image dans le premier chapitre de Matière et Mémoire est plus que déconcertant : les choses que je perçois sont des images et le monde matériel n’est rien d’autre que l’ensemble de ces images. Il n’y a donc pas de différence significative entre la chose et ma perception de cette chose, ou plutôt la chose est cela même que je perçois et rien d’autre. On pourrait reconnaître là l’héritage de Berkeley, qui ne distingue pas le fruit des qualités secondes qui se présentent à nos sens : « ainsi, par exemple, une couleur, une saveur, une odeur et une forme, qui, a-t-on remarqué, s’accompagnent, sont considérées comme une chose distincte sous le nom de pomme »[4]. Il y aurait donc une part de vérité dans l’idéalisme : le réel est ce que je perçois, il n’y a pas d’en soi qui ne soit toujours déjà un pour moi. Néanmoins Bergson ne va pas jusqu’à adopter l’ « esse est percipi » ; tout esse n’est pas nécessairement un percipi, car l’existence de la chose perdure et ses qualités subsistent au-delà du moment où je les perçois ; il y a comme une permanence, voire une transcendance de l’être au-delà du phénomène ; les choses ne tombent pas dans une quatrième dimension à partir du moment où elles cessent d’être perçues par moi. Il faut donc faire le deuil d’une connaissance exhaustive et permanente : il faut comprendre et accepter à propos de toute chose (ou de toute personne) qu’elle puisse exister sans moi, avant moi et après moi ; je puis à peine me rassurer en me disant que la chose (ou l’Autre) a besoin de moi pour exister, comme le souligne Merleau-Ponty dans Sens et Non-Sens, et cela me pose un problème bien plus épineux lorsqu’il s’agit d’autrui que lorsqu’il s’agit de ce vieux veston posé sur une chaise ; qu’il puisse exister quelque part sans moi me semble parfois intolérable : « Chaque chose n’affirme son être qu’en me dépossédant du mien, et je sais toujours sourdement qu’il y a au monde autre chose que moi et mes spectacles » [5] ; le personnage de Françoise, dans l’Invitée de Simone de Beauvoir, en fera la douloureuse expérience : « Elle n’est plus comme un privilège naturel au cœur des choses : il y un centre du monde d’où elle est exclue, c’est l’endroit où Pierre et Xavière doivent se retrouver »[6]. A cet égard il demeure une énigme et une transcendance de ce qui est autre, puisque cela m’échappe toujours déjà en tant que tel. De tout ceci nous pouvons déduire qu’il faut également donner raison au réalisme ( c’est d’ailleurs cet aspect qui dominera chez Bergson) : la chose possède bien une existence en soi ; en aucun cas la chaise que je perçois ou que j’imagine n’est-elle dans ma conscience ; le réel est ce que je perçois, là où il est. Dans cette volonté bergsonienne de suspendre l’attitude naturelle et de retourner aux choses-mêmes, on pourrait ainsi voir une réduction phénoménologique à la façon de Husserl. Certes Bergson penchera vers un réalisme plus naïf [7], et son epochè semble reconduire aussitôt à un univers d’images semblable au monde de l’attitude naturelle critiqué par Husserl, puisque le premier chapitre ne se place pas dans les choses telles qu’elles sont, mais telles que le sens commun se les représente[8]. Mais l’image va permettre de faire table rase des théories de la matière et de l’esprit, en mettant sur un pied d’égalité la chose et la représentation, en s’en tenant aux faits tels qu’ils nous apparaissent ; grâce à cette réduction bergsonienne, nous allons enfin pouvoir contempler le monde comme si tous ses éléments se présentaient sur un même plan, ou du moins comme si l’univers était le premier de tous les plans de conscience, comme si la perception n’était qu’un pli dans l’être[9]. Mais aussi, il faut comprendre que, si remonter aux choses-mêmes exige d’abord de remonter aux choses telles qu’elles nous apparaissent, lesquelles permettront alors seulement de dégager la vraie profondeur temporelle des choses, nous aurons alors deux réductions pour le prix d’une, dont la première nous conduira au cœur des images perçues de fait  -(ce qui  rend suspecte cette première réduction)-, et dont la deuxième nous obligera en droit à nous défaire de ces mauvaises habitudes pour retourner (enfin) à la perception pure et intuitive.[10] Ne rien présupposer doit donc nous permettre de retrouver l’intuition originaire du réel, même si nous feignons, avec Bergson, d’installer avant (dans l’ordre des chapitres) ce qui ne vient qu’après (dans l’ordre du réel). Même si Bergson nous suggère de remonter de la représentation à la perception, il faut le repenser à l’envers et rétablir la perception dans ses droits.

Ni réalisme ni idéalisme

Comment en effet concilier réalisme et idéalisme, ou plutôt, comment les renvoyer dos à dos pour n’en retenir que le meilleur ? Comment ce que nous percevons peut-il exister pour nous en tant que cela est perçu sans pour autant n’exister que pour nous, mais aussi en soi ? Le réalisme et l’idéalisme ne sont– ils pas finalement les deux faces d’une même médaille ? C’est ce que va tenter de démontrer Bergson : son premier mérite est de rejeter l’abstraction commune à l’idéalisme et au réalisme pour revenir à la réalité de la perception ; en effet, à partir du moment où l’on affirme qu’il existe une réalité indépendante de la pensée (réalisme), cela revient à placer réciproquement l’esprit en dehors des choses  (idéalisme) : tous deux reposent sur le même postulat d’un déchirement entre la conscience et le monde, même si l’un accorde un rôle prépondérant aux données du réel tandis que l’autre accorde ce même privilège à nos idées. Pour que l’idéalisme et le réalisme puissent être, il faut une même séparation ontologique ; ils ne sont donc que deux embranchements succédant à une même thèse : une conscience séparée du monde dans la mesure où le sujet se donne comme extérieur à l’objet ou l’objet comme extérieur au sujet, selon le point de vue d’où l’on se place. Idéalisme et réalisme renvoient ainsi à une même confusion entre perception et connaissance : il faut toujours, ou bien que ce soit le sujet qui rende l’objet connaissable (idéalisme), ou bien que ce soit l’objet qui rende le sujet connaissant (réalisme), mais il semble impossible de sortir de cette alternative, et l’écart entre la conscience et le monde (voire entre l’esprit et le corps) ne fait que s’accentuer: « En creusant maintenant en-dessous des deux doctrines, vous leur découvririez un postulat commun, que nous formulerons ainsi : la perception a un intérêt tout spéculatif ; elle est connaissance pure…pour les uns et pour les autres, percevoir signifie avant tout connaître »[11]. Perception et imagination sont donc traditionnellement traitées comme un dédoublement plus ou moins fidèle du monde réel, au sein d’une représentation détachée du réel. On pourrait d’ores et déjà voir ici une critique globale de toutes ces « philosophies alimentaires » qui reposent sur une assimilation des choses aux idées ou des idées aux choses : or c’est contre ces philosophies digestives que s’érige la philosophie de Husserl, comme le rappellera Sartre : « Il la mangeait des yeux. Cette phrase et beaucoup d’autres signes marquent assez l’illusion commune au réalisme et à l’idéalisme, selon laquelle connaître, c’est manger » [12]. On remarquera que la seule manière pour la conscience de retrouver sa véritable nature est, souligne Sartre, de sortir du vocabulaire du dedans et du dehors, de l’intériorité et de l’extériorité (le texte de Sartre témoignant lui-même de cette difficulté) : la phénoménologie marque la fin du mythe de l’intériorité ; il faut arracher la conscience à sa « moite intimité gastrique pour filer là-bas, par-delà soi, vers ce qui n’est pas soi » [13]. C’est aussi ce que propose Bergson, à sa manière, en relativisant l’opposition conceptuelle entre perception intérieure et extérieure: « de l’ensemble des images on ne peut dire qu’il nous soit intérieur ou extérieur, puisque l’intériorité et l’extériorité ne sont que des rapports entre images… se demander si l’univers existe dans notre pensée seulement ou en dehors d’elle, c’est donc énoncer le problème en termes insolubles »[14]. Le rapport de l’intérieur à l’extérieur sera plutôt ramené chez Bergson à celui du tout à la partie, de la puissance à l’acte. On comprend alors mieux, rétrospectivement, l’intention cachée derrière cette obscure définition de l’image : elle aurait au moins l’avantage de ne pas transporter la matière à l’intérieur de l’esprit, ni de transporter l’esprit à l’intérieur de la matière, – ce qui reviendrait à conserver leur déchirure ontologique-, mais elle permettrait au contraire de fournir une corrélation entre la conscience et le monde, tout en conservant la polarité de cette relation ; ce ne seraient pas les choses qui viendraient à la conscience, mais la conscience qui se porterait au-devant d’elles[15]. L’image perçue constituera donc à la fois un carrefour et une feinte[16] permettant à Bergson de relancer la définition de la conscience en atténuant le dualisme entre la matière et l’esprit. Cette nouvelle approche rompt d’autant plus avec l’histoire de la philosophie qu’elle se veut inspirée de la conscience la plus immédiate, et dont la philosophie a tendance à se méfier : nous avons tous commencé par croire que « que nous entrions dans l’objet même, que nous le percevions en lui, et non pas en nous »[17] ; un non-philosophe s’étonnerait qu’on lui dise que l’objet qu’il perçoit n’existe que dans son esprit, mais il s’étonnerait tout autant qu’on lui dise que ce même objet est complètement différent de ce qu’il en perçoit : c’est à cette double évidence originaire que tente de nous faire revenir Bergson, pour nous faire oublier le dualisme habituel entre matière et esprit. La matière est à la fois trop proche de nous dans l’idéalisme de Berkeley, qui la fait coïncider avec l’esprit lui-même, et trop éloignée de nous dans le réalisme cartésien, qui la réduit à une simple étendue géométrique: il faut donc revenir à une position intermédiaire et « laisser la matière à mi-chemin entre le point où la poussait Descartes et celui où la tirait Berkeley »[18]. Par image, il faut ainsi entendre un être intermédiaire entre la chose et la représentation, c’est-à-dire ce qui est « plus que ce que l’idéaliste appelle une représentation, mais moins que ce que le réaliste appelle une chose »[19], ce qui permettra une identification entre l’esse et le percipi . L’image peut exister en elle-même sans être perçue (elle est plus que la représentation que j’en ai), mais, une fois perçue, elle se donne toute entière à la conscience dans son apparition (elle n’a rien à cacher); elle se situe donc en-deçà de la distinction entre le pour-soi et l’en-soi, n’étant ni purement subjective, ni purement objective. Elle nous enseigne la part d’esse présente dans le perçu, sans pour autant occulter la part de percipi incluse dans le réel. Bergson concède lui-même dans son avant-propos qu’il s’agit là d’une nouvelle manière de regarder la matière, laquelle permettra ultérieurement de déduire une nouvelle définition de la conscience. Le problème n’est donc pas tant d’expliquer l’image que nous avons de la matière à partir de la conscience, mais plutôt d’expliquer la conscience à partir de la matière de l’image, ce qui semble annoncer l’analyse sartrienne, laquelle insistera sur le caractère non- accessoire, voire essentiel, de l’imagination : « Il n’y a pas, il ne saurait y avoir d’images dans la conscience. Mais l’image est un certain type de conscience »[20].

Etre et Paraître

Le second mérite de Bergson sera par conséquent d’identifier l’être et le paraître par le biais de l’image. En admettant que les choses soient des images, et que le monde matériel soit l’ensemble des images, c’est-à-dire cela même que nous percevons, que se passe-t-il en effet? On remarque tout d’abord que l’image n’a pas à être justifiée : c’est une donnée première, qui se donne d’emblée à partir du moment où le monde nous est donné, puisque, en droit, la représentation ne fait qu’un avec le représenté. Comme tout ce qui est en soi, elle n’est pas à expliquer, mais plutôt ce qui est postulé par toute explication, une sorte d’inconditionné qui conditionne tout le reste. De là le caractère massif de la définition bergsonienne, qui reflète la présence envahissante des images dans le réel : « Me voici donc en présence d’images, au sens le plus vague où l’on puisse prendre ce mot, images perçues quand j’ouvre mes sens, inaperçues quand je les ferme »[21] et un peu plus loin : « j’appelle matière l’ensemble des  images, et perception  de la matière ces mêmes images rapportées à l’action d’une certaine image déterminée, mon corps »[22]. Les images sont un carrefour incontournable du réel : elles existent d’abord comme flux ininterrompu, avant de se distinguer comme telles. L’impression massive qui se dégage de ces premières pages est que tout est image, ou plus précisément que tout objet est potentiellement une image ; rien ne semble pouvoir échapper à cette désignation : cette chaise que je touche est image, la perception que j’en ai est image, le cerveau qui me permet de m’en souvenir est image et le corps qui me permet de le toucher est lui-même une image. Il serait vain, en effet, de vouloir expliquer ce qui s’impose avec tant de force… autant vouloir justifier tout ce qui est ! Tout est dans le tout de l’image. Comme le soulignera Sartre, « tout l’ensemble de la réalité est donné d’abord comme participant à la conscience, ou mieux comme de la conscience : sinon cette réalité ne pourrait jamais devenir consciente, c’est-à-dire emprunter un caractère qui serait étranger à sa nature »[23]. La conscience étant déjà virtuellement présente au cœur de la matière, et la matière étant, à l’origine, de la conscience relâchée, il n’y a pas de saut à effectuer de l’une à l’autre. L’intérêt d’une telle définition est que l’on n’a pas besoin de déduire ni le monde, ni la conscience, de quelque chose d’autre, puisque toute chose est déjà virtuellement une forme de conscience et que toute conscience est toujours déjà imbriquée dans les choses (même si Bergson insiste plutôt sur le premier de ces deux aspects); tout ce qu’il y a à percevoir des choses et du monde est ainsi du presque- déjà- perçu, du- presque- déjà- présent, même si non encore re-présenté -puisque la conscience est présente partout à différents degrés. Il ne restera qu’à actualiser ce contenu non encore conscient. Conscience et monde ne semblent donc former qu’un seul et même tissu : « il n’y a pas à engendrer la conscience à partir de la chose, si, dans son existence même, la chose est déjà conscience »[24] remarque Sartre. Il est vrai que la conscience intentionnelle des choses devient chez Bergson un quelque chose plus ou moins conscient, dans lequel tout se confond et s’identifie- le moi « serait plutôt un état gazeux » constate Deleuze[25] : c’est un seul et même mouvement, où la conscience, coextensive au tout de la réalité, est en adéquation à l’être. C’est pourquoi Bergson rejette toute théorie qui ferait de l’image l’effet séparé d’une cause qui la précéderait. Ainsi la théorie qui voit dans la représentation une conséquence de l’activité cérébrale est-elle à la fois inutile et absurde : comment le cerveau qui est lui-même une image, recevant et produisant du mouvement, pourrait-il contenir la totalité des images ?[26] Ce serait prendre la partie pour le tout, comme par une réduction métonymique, ou prendre l’effet pour la cause. Une simple modification physique ne saurait d’ailleurs expliquer une image psychologique. Ce sont pour Bergson autant de raisons d’écarter la conception classique, commune à l’idéalisme et au réalisme, qui assimile l’image à un simple fait de conscience chargé de reproduire en nous une réalité extérieure à nous. Car, faire de toute chose une image, comme il s’attache à le faire, cela n’est pas pour autant faire de toute image une chose, et retomber dans l’illusion substantialiste. L’image ne se réduit pas, comme chez Descartes, à un résidu intérieur de l’extériorité ; la limite de l’extériorité semble d’ailleurs repoussée beaucoup plus loin avec Bergson, dans les choses-mêmes, puisque tout dans le monde est toujours déjà potentiellement objet de conscience. Ainsi, et ce sera également la volonté de Sartre, l’image, en tant que phénomène, n’indique pas autre chose qu’elle-même : elle « n’indique pas, par-dessus son épaule, un être véritable qui serait, lui, l’absolu ».[27] Elle ne fait pas écran entre nous et les choses : elle est pour nous ce qu’elle est en elle-même. L’image est donc absolument ce qu’elle nous apparaît, auto-suffisante, toute entière absorbée dans son contenu ; elle se donne d’un seul bloc à  l’intuition, dans une inconscience première : « la reconnaissance de l’image comme telle est une donnée immédiate du sens intime »[28] reprend Sartre; elle apparaît, simplement,  et cela, sans supposer, ni un être auquel elle apparaît, ni un être caché derrière cette apparition. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il faudra un acte de réflexion supplémentaire pour pouvoir la décrire, comme le stipule Sartre au début de l’Imaginaire : il faudra s’extraire de cet acte synthétique et de sa plénitude pour en faire une description phénoménologique[29], là où Bergson préfère, comme à son habitude, recourir  aux métaphores de la vue ou du toucher.

Tirer les leçons de la perception

Par conséquent, la représentation n’ajoute rien à l’image (elle lui retire plutôt qu’elle ne lui ajoute): le troisième mérite de Bergson est de souligner la richesse première du perçu ; la représentation du perçu ne sera que l’actualisation seconde de ce qui était déjà virtuellement présent dans les choses (c’est d’ailleurs cette similitude entre l’objet perçu et l’objet imagé qui constituera une richesse aux yeux de Bergson, et une pauvreté aux yeux de Sartre). Ce qui se manifeste dans la représentation n’est pas vraiment conditionné par la conscience, puisque cette présence constitue déjà l’être même des choses : ainsi la conscience peut, – fait remarquable-, se représenter des images sans avoir à les engendrer ; tout ce qui est perçu est déjà virtuellement contenu dans les choses ; tout se passe comme si la possibilité de la perception précédait dans les choses la perception elle-même : « notre perception est originairement dans les choses plutôt que dans l’esprit, hors de nous plutôt qu’en nous »[30] précise Bergson. Or, une perception pure des images, en toute hypothèse, ne laisse aucun vide entre les objets qu’elle perçoit et ne provoque aucune rupture à l’intérieur de l’être : il n’y a, en droit, ni distance spatiale, ni écart temporel entre les images, ni, par conséquent, entre notre corps ( qui est lui-même image) et les autres images ; on reconnaît là le leitmotiv bergsonien qui consiste à « ressaisir  le changement et la durée dans leur mobilité originelle »[31] en opposant le percept et le concept. Il faudrait se déshabituer d’un certain système de représentation conceptuelle pour percevoir toute chose « sub specie durationis », durée sans laquelle nous ne pourrions ni nous mouvoir, ni vivre : « In ea vivimus et movemur et sumus »[32]. Le contact avec la réalité devrait se faire sans intermédiaire, dans une affection immédiate, puisqu’il dérive de l’essence même des choses (la conscience n’en a pas vraiment l’initiative) et s’effectue là où est le perçu (et non à l’intérieur de celui qui perçoit). C’est pourquoi il existe chez Bergson comme une sympathie, une pénétration de la conscience au cœur des choses, laissant (temporairement) intacte l’indétermination foncière des images : les images- objets se donnent dans une indifférenciation générale, voire une confusion première, elles existent en totalité avant d’exister en unités séparées et « c’est grâce à cette qualité vague et fugitive que la conscience d’image ne se donne point comme un morceau de bois qui flotte sur la mer, mais comme un flot parmi les flots »[33] observe Sartre. Ainsi l’image bergsonienne est-elle riche et pleine d’elle-même, ce qui lui permet de révéler l’être dans/de l’apparaître, la profondeur à même la surface. On retrouve chez nos deux auteurs cette même opposition entre concevoir et imaginer, qui conduit à un rapprochement (éphémère, chez Sartre, il est vrai) entre percevoir et imaginer : dans les deux cas, l’objet n’entre pas dans ma conscience, il demeure hors de moi ; autant le concept de « chaise » permet de penser abstraitement et universellement les essences communes à toutes les chaises possibles, autant l’imagination, comme la perception, permettent de viser «  la chaise dans son individualité concrète, dans sa corporéïté »[34]. De ce point de vue, il n’y a pas de différence frappante entre la chaise perçue et la chaise imaginée, la seconde n’ajoutant pas grand chose à la première. L’image pure peut être perçue comme une donnée immédiate de la conscience, qui non seulement nous met en présence d’un objet par une réaction instantanée, mais qui par là-même ne nous apprend rien de plus ou- plutôt rien de moins dirait Bergson- que ce que nous percevions déjà de cet objet. Et quand bien même il conviendrait d’opposer l’objet imaginé à l’objet perçu (ce qui sera le cas plus tard avec Sartre), il faudra toujours une mise en situation initiale de ces objets dans le monde : le monde servira toujours de référentiel, qu’il soit perçu ou imaginé.

L’auto-censure de la représentation

Cependant, Bergson reconnaît qu’une perception pure et absolue des images existe en droit plutôt qu’en fait[35], car notre conscience est toujours limitée, comme censurée de l’intérieur, et ne coïncide jamais absolument avec celles-ci. Son ultime mérite est donc d’avoir su dégager le rôle de la re-présentation dans l’action vitale. En effet, la spatialisation du réel nous  détourne constamment de notre spontanéité première et transfigure notre manière d’être au monde, ce que confirmera Sartre: « Sans aucun doute l’origine de cette illusion doit être cherchée dans notre habitude de penser dans l’espace et en termes d’espace »[36]. La question de la perception devrait se poser en fonction du temps et non de l’espace. Mais, notre tendance à diviser et à figer tout ce que nous percevons comme une succession de clichés photographiques nous a empêché de comprendre que « la photographie, si photographie il y a, est déjà prise, déjà tirée dans l’intérieur même des choses et pour tous les points de l’espace »[37]. L’enjeu est en effet d’expliquer comment s’effectue le passage de cette présence immédiate des images à la re-présentation dédoublée que nous en avons : ce que Bergson explique non par une différence de contenu ou de nature, mais par une différence de degrés : « il y a pour les images une simple différence de degré, et non pas de nature, entre être et être consciemment perçues ».[38]Ainsi, l’être préexiste à l’être perçu, autrement dit le percipi se déduit à partir l’esse par l’intermédiaire d’une dégradation et d’une sélection des images, la perception devenant un être moindre, un moindre niveau d’être. Certes, l’univers des images est incessamment en contact avec les consciences grâce à la perception pure, mais il ne devient consciemment connu en tant que tel que s’il intéresse la puissance d’action de notre corps ; la re-présentation sera comme la peau de chagrin de la perception, provoquant une réduction spatiale de l’image proportionnelle à notre intérêt vital. En effet, lorsque le corps intervient, c’est pour choisir une réponse appropriée à l’action vitale, en retardant voir en arrêtant le mouvement des images perçues, en ne répondant à leur excitation qu’après un certain délai ; par là Bergson souligne d’ailleurs l’intervention et l’imbrication de notre corps dans le monde, il réinstalle le corps dans les choses, effort salué plus tard par Merleau-Ponty[39] ; mais l’image re-présentée perd alors ses relations avec les autres images et devient une enveloppe superficielle, isolée sur elle-même et nettement circonscrite; il ne s’agit plus de perception pure, mais d’une perception (dé)limitée par les besoins de l’action. Le monde sensible ne forme qu’un seul ensemble panoramique, sur lequel notre attention vient donc à son gré choisir et détacher des tableaux isolés, dessinant ainsi un horizon autour de notre corps vivant : « Il est vrai qu’une image peut être sans être perçue ; elle peut être présente sans être représentée ; et la distance entre ces deux termes, présence et représentation, paraît justement mesurer l’intervalle entre la matière elle-même et la perception consciente que nous en avons ». Notre représentation (qui se prolongera dans l’intelligence et le langage) ne considère alors qu’une partie du réel : diviser et retarder le mouvement des images perçues, c’est le prix à payer, semble-t-il, pour devenir conscience à part entière, et conscience ne semble signifier ici que soumission à l’intérêt vital ; l’action sélective du corps semble suffire à fonder l’idée de conscience… Faut-il dès lors préférer l’inconscience d’une perception pure présente, ou bien la conscience d’une re-présentation réduite en miettes, devenue caduque ? Faut-il perdre notre temps, -celui de la durée-, pour gagner en temps et en efficacité dans l’action ? Grandeur et misère de l’intelligence humaine ! Car « il y a, dans cette pauvreté nécessaire de notre perception consciente, quelque chose de positif et qui annonce déjà l’esprit : c’est, au sens étymologique du mot, le discernement » [40]. En effet, cet appauvrissement des images dans la représentation les prive de leur réalité pleine; mais cette irréalité de la représentation est aussi une manifestation de la liberté d’action, comme le soulignera également Sartre à sa manière : « Nous saisissons à présent la condition essentielle pour qu’une conscience puisse imager : il faut qu’elle ait la possibilité de poser une thèse d’irréalité. (…) L’irréel est produit hors du monde par une conscience qui reste dans le monde et c’est parce qu’il est transcendantalement libre que l’homme imagine »[41]. Le problème central, pour Bergson, n’est certes pas de souligner la liberté transcendantale de l’homme, mais plutôt d’expliquer comment cette liberté se fait sélective et limitative. Elle impose en effet comme un arrêt sur image « puisque [la perception] serait en droit, l’image de tout, et qu’elle se réduit, en fait, à ce qui [nous] intéresse ».[42] Bergson comparera d’ailleurs la représentation consciente au résultat de la réflexion d’un rayon lumineux contre un milieu qu’il ne peut traverser (en l’occurrence notre corps, qui ne se laisse pas traverser et agit comme un miroir réfléchissant): « Notre représentation des choses naîtrait donc, en somme, de ce qu’elles viennent se réfléchir contre notre liberté » [43]. Or, c’est en cherchant où commence et où finit le rôle du corps dans cette sélection de la conscience que Bergson parviendra, paradoxalement, à restituer sa place à la mémoire et à la liberté ; chaque perception, une fois fixée, devient un souvenir, qui pourra revenir à son tour s’insérer à d’autres perceptions. L’ambiguïté constitutive des images (rétrécies ou élargies, individualisées ou mutualisées) se trouvera ainsi déplacée à l’intérieur des différents plans de la conscience (mémoire périphérique ou profonde, souvenir intéressé ou rêverie désintéressée) ; au final, la mémoire, que ce soit dans la conservation confuse et indistincte des souvenirs ou bien dans l’actualisation de ces souvenirs dans un objet présent, apparaîtra bientôt comme disjointe de la matière, et non plus conjointe à elle ; immatérialité de la mémoire qui n’est que l’envers de la spiritualité de la matière.  La  conscience, on le voit, reprend rapidement ses droits face aux choses, comme instrument de délibération permettant une action différée dans le temps- plus la réaction est tardive, plus elle précède l’acte et s’en distingue ; bien plus, la mémoire reviendra au premier plan, comme conscience intégrale du passé[44]. Si tout d’abord il s’agissait d’insister sur l’union réelle entre le sujet et l’objet, il s’agira donc plus tard de mettre à jour leur distinction, qui tient au caractère conscient du sujet et à la nature immatérielle de la mémoire… Ne serait-ce pas là une résurgence du dualisme ente la matière et l’esprit que la théorie des images avait pour vocation de dépasser ?

Disparités entre l’imagination et la perception

Jusqu’ici, nous avons indifféremment employé les termes de perception et d’image, dans une perspective toute bergsonienne, qui visait à projeter hors de nous tout le phénoménal existant pour notre conscience. Du reste, ce qui chez Bergson signifiait  richesse et plénitude, à savoir la matière intuitive de l’image , se trouvera taxé chez Sartre de « pauvreté essentielle»[45]… A quoi tient ce renversement ? Sartre désigne ici les images dans un sens que Bergson n’a pas exploré ; car ce que Bergson désigne comme des images au début de Matière et Mémoire correspond en fait à ce que la phénoménologie décrira plutôt comme des perceptions. C’est pourquoi seule une distinction de nature entre ce qui est perçu et ce qui est imaginé permettra de saisir les limites de la théorie bergsonienne et de comprendre la critique qui en est faite par Sartre. Que devient, en effet, comme le remarque habilement Jeanson, « cette sorte d’hémorragie dont souffre toute perception, et comment opposer celle-ci à l’image mentale, fermée sur elle-même, tunique sans couture » [46]? La différence essentielle entre le perçu et l’imaginé est certainement la richesse de la perception par esquisses (Abschattungen), richesse infinie du possible mettant en exergue la pauvreté et la finitude des images visées. Sartre remarque dès l’introduction de l’Etre et le Néant que le dualisme classique entre l’intérieur et l’extérieur a été remplacé chez Husserl par un nouveau dualisme : celui du fini et de l’infini. Or, c’est précisément celui qui pourrait servir de ligne de démarcation entre l’imagination et la perception. Le fait d’être un sujet percevant implique « la possibilité de multiplier les points de vues sur cette « Abschattung » » [47] ; le phénomène présent dans la perception pose par principe la série de ses apparitions comme infinie, puisque l’angle sous lequel je le perçois peut toujours être complété par un autre ; ainsi toute perception est-elle par définition inachevée –«  on doit apprendre les objets »[48]-, mais elle est aussi empreinte d’une nostalgie de la totalité, puisqu’il sera toujours possible de déborder sa manifestation présente en ajoutant un profil différent. En revanche, l’image est réduite au statut de « quasi-observation »[49] c’est-à-dire qu’elle donne d’un bloc tout ce qu’elle contient et n’entretient pas de rapport avec autre chose qu’elle-même : « l’objet de l’image n’est jamais rien de plus que la conscience qu’on en a ; il se définit par cette conscience : on ne peut rien apprendre d’une image qu’on ne sache déjà »[50]. Autrement dit, perception et imagination ne diffèrent pas tant par leurs objets que par leur rapport à ces mêmes objets, c’est-à-dire par la manière dont la conscience les thématise – il s’agit bien d’une chaise dans les deux cas et il y a bien la même distance transcendantale entre la conscience et la chaise, qu’elle soit perçue ou imaginée, mais celle-ci peut être visée tantôt comme un objet en perpétuel (trans)formation –le perçu-, tantôt comme un objet immédiatement figé, fermé, sans échange possible- l’imagé . On pourrait donc voir dans l’imagination une certaine dégradation du savoir, un enlisement de la conscience, un renoncement : « satisfaction d’impuissant, défaitisme stérile, telle apparaît, sous cet angle négatif, la fonction imageante de la conscience »[51] .

Présence du perçu et absence de l’imaginé

Mais l’envers de cette pauvreté est le libre pouvoir de poser l’objet imaginé comme absent, c’est-à-dire la libre spontanéité de la conscience irréalisante, sa faculté d’échappement : c’est là l’autre distinction fondamentale entre perception et imagination, entre Bergson et Sartre. Dans l’image que je vise, l’intuition sensible de la chaise est donnée comme impossible, faisant défaut, alors que la chaise perçue nous encombre de sa présence. Même lorsque nous revivons le passé (rétention) ou anticipons l’avenir (protension), nous nous donnons encore l’objet comme étant- présent- au- passé ou étant- présent –au- futur et nous nous trouvons encore dans une conscience réalisante : seule l’image le posera réellement comme absent ; bref, « se rappeler tel ou tel souvenir, c’est rouvrir le temps, c’est aller chercher ce souvenir à sa place dans le passé- comme la perception va chercher un objet à sa place dans l’espace » mais « si, par contre, l’objet fait défaut dans le temps ou dans l’espace réellement accessibles, il faut alors nier ce temps et cet espace, il faut « poser une thèse d’irréalité » »[52]. L’imagination et la perception forment chacune comme une équation de plénitude et de manque, de fini et d’infini: l’objet perçu, bien que présent, se prolonge dans d’infinies possibilités d’enrichissement, ce qui provoque une déception chronique de la conscience percevante ; à l’inverse, l’objet imaginé, bien qu’absent ou inexistant, est posé d’un coup dans sa totalité synthétique, comme fermé à tout enrichissement ultérieur, mais cette absence est corrélative du pouvoir de négation de la conscience, que Bergson n’a pas souligné. L’image irréelle me fera donc oublier les incertitudes et les trahisons de la perception réelle : l’imagination doit se comprendre comme l’intention d’échapper au caractère massif et envahissant du réel, tel qu’il est décrit dans La Nausée ; l’imaginaire est un anti-nauséeux, dans un rapport presque sadique au monde, qu’il détruit en le posant à distance. On remarque néanmoins que, dans les deux cas, la conscience vise une présence qui est aussi une absence, exprimant par là, et à chaque fois,  sa nature désirante : l’objet est tantôt présent-absent (perception d’une présence qui tend vers l’absence, puisque ouverte sur un horizon de perceptions possibles), tantôt absent-présent (imagination d’une absence d’objet qui tend vers la présence, puisque visé à travers un analogon matériel ou psychique ). Ce qui a manqué à Bergson, c’est donc de poser l’absence comme première ou, comme Sartre le reproche à Descartes, de ne pas avoir su «  concevoir la négativité comme productrice »[53]; en effet, le néant pour Bergson ne peut que se construire artificiellement à partir de l’être, alors que la tradition métaphysique pose d’abord le néant pour ensuite le remplir d’être[54] ; le néant chez Bergson ne saurait s’interposer entre l’intuition et la masse continue des images ; on ne doit pas se demander pourquoi quelque chose existe plutôt que rien, puisque le monde des images a toujours déjà été et tire de lui-même sa propre justification ; il n’y a donc pas de positivité du négatif ; la totalité continue de la conscience bergsonienne ne se comprend qu’en s’affirmant[55].  Toute perception pure implique une expérience pleine et riche de l’objet, laquelle ne maintient pas suffisamment l’objet à distance ; c’est donc l’absence de négation qui l’a empêché de poser la conscience en face de ce trésor de richesses qu’est le réel. Il ne lui a restitué sa part de subjectivité qu’en la retirant du jeu de la corrélation; il n’a pas su la poser comme conscience en maintenant la corrélation avec la matière du monde. Par ailleurs, on pourrait voir dans le travail de sélection et de découpage de la conscience une première forme de négation à l’œuvre dans la conscience, puisqu’elle nie la relation d’une image à la totalité des images ; mais il ne s’agit pas encore d’un néantissement, lequel consiste à repousser de soi à partir de soi un étant qui nous échappe, en faisant un pas en arrière. Tout au plus la conscience bergsonienne engendre-t-elle une détermination sans négation. Bergson ne fait donc pas vraiment de pas en arrière, et retombe insensiblement dans l’illusion qu’il avait lui-même critiquée[56]. Le fait de manquer la dimension négative de la conscience revient à lui redonner une forme de positivité et d’immanence : « il a donc assoupli la notion de conscience, il a tenté de rendre à celle-ci la fluidité, la spontanéité, la vie »; mais « il a eu beau faire : il a laissé subsister au sein de la durée pure, ces images inertes, comme des pavés au fond de l’eau »[57]. Au final, ce n’est pas seulement la conscience de l’objet mais aussi le désir de l’objet qui semble manquer à la philosophie bergsonienne, c’est-à-dire ce qui permet à une conscience d’être tendue vers un objet qui lui manque, tout en demeurant à distance de celui-ci, et précisément parce qu’elle reste à distance de celui-ci et ne se confond pas avec lui. Or, l’image bergsonienne reste empâtée dans l’être du perçu, ne désirant rien, tandis que l’image sartrienne jaillit du désir de laisser les objets à leur transcendance lointaine. Cette dernière tentera de faire surgir, en somme, l’être du néant- en faisant apparaître ce qui n’est pas là- et le néant de l’être – en faisant apparaître, par contraste avec l’en-soi des choses, la conscience comme un trou d’être[58].

La conscience bergsonienne, une conscience impersonnelle ?

Si Bergson concentre son travail sur le passage de la perception à la représentation, rien, finalement, n’explique chez lui le passage des images représentées à l’existence du Je, alors que celle-ci est postulée par sa théorie de la mémoire. Le sens et l’être du sujet ne sont donc pas suffisamment interrogés en eux-mêmes : on est mieux renseigné sur le contenu de nos perceptions que sur l’identité de celui qui perçoit. Par conséquent, Bergson finit par confondre  le monde avec la conscience, le noème avec la noèse, ce qui l’amène à définir l’image tantôt du côté de la matière (image perçue par une conscience intuitive, reléguée au rang de simple témoin), tantôt du côté de la conscience (image re-présentée n’existant comme telle que pour une conscience soustractive). Il réduit le sujet au statut de perception passive ou de délibération active, selon qu’il donne un sens réaliste ou idéaliste au terme d’image, mais à aucun moment il ne sort de ce va et vient ni ne décrit l’articulation entre ces deux plans de conscience[59]. Or, dans les deux cas de figure, que ce soit comme conscience intuitive ou comme conscience sélective,  il rate la dimension propre à toute conscience individuelle, qui est « de s’apparaître précisément comme conscient (…) : comment cette conscience inconsciente et impersonnelle devient-elle conscience d’un sujet individuel ? » [60] En effet, la conscience bergsonienne pourra se définir plus tard comme un coïncidence avec soi-même, coïncidence avec la durée intérieure[61], mais, là encore, sujet et objet ne se confondent-ils pas ? La conscience fait plutôt l’objet d’une mise en commun, il n’y a pas de spectateur privilégié du réel, étant donné que le spectacle est aussi bien vu de partout. Puisque la matière est comme une conscience, tout et n’importe quoi est déjà potentiellement une conscience et il semble difficile d’isoler rigoureusement ce qu’est une conscience individuelle. En somme, Bergson ne rend pas suffisamment compte de ce qu’est une prise de conscience ; à cause de cela, la conscience imageante n’a pas à proprement parler d’existence pour soi. Certes, la naïveté de cette conscience irréfléchie lui a permis de découvrir l’apparition simultanée de la conscience et du monde, mais par là même elle condamne le sujet à ne pas exister comme sujet de ses propres pensées. Par ailleurs, l’autre niveau de conscience, à savoir la liberté de représentation et de sélection ne conduit pas plus à une conscience intentionnelle ou à un Je, dans la mesure où, retournant à une perception commune, intéressée, elle contrarie la faculté de mettre « hors de jeu la position générale d’existence qui appartient à l’essence de l’attitude naturelle »[62] . Tout se passe donc comme si Bergson, faute d’introduire du pour-soi dans l’en-soi, réintroduisait de l’en-soi dans le pour-soi de la conscience, qu’il n’a jamais vraiment posée comme telle. Il n’y a pas d’hétérogénéité entre la manière dont la conscience s’apparaît et la manière dont les objets lui apparaissent : l’apparaître ne renvoie pas à un s’apparaître, dans la mesure où le sujet semble se perdre dans le spectacle des choses La mémoire elle-même, bien que subjective, ne satisfait pas les exigences phénoménologiques : elle n’est qu’une « ombre qui double la perception »[63] et ne se voit pas non plus attribuer la puissance intentionnelle qui manque à l’image ; elle-même a du mal à se définir un être propre, puisqu’elle s’expérimente chaque jour comme un mélange de perception et de souvenir. On finit par ne plus pouvoir distinguer l’image- souvenir, qui est un morceau de passé incarné dans une action présente, de la perception, qui est un mouvement présent où s’incarne quelque souvenir passé : « et nous retrouvons, au fond de ces théories spécieuses, la simple affirmation des empiristes »[64]. Toute perception devient avec Bergson une forme de reconnaissance : « percevoir finit par n’être plus qu’une occasion de se souvenir »[65]. Ainsi, en étant partout, la conscience n’est jamais nulle part conscience d’elle-même ; elle semble ramenée à l’étant intra-mondain qui constitue son expérience première, réduite à se confondre avec les choses ou à un simple découpage à  l’intérieur des choses : « la conscience apparaît chez lui comme une qualité, un caractère donné, presqu’une espèce de forme substantielle de la réalité ; elle ne peut naître là où elle n’est pas, ni commencer, ni finir d’être »[66]. Bergson n’aura donc pas suffisamment marqué l’opposition entre la lumière de la conscience (le pour-soi) et l’opacité des choses (l’en-soi) ; ou plutôt, à force de mettre la lumière du côté de la matière, il en vient à obscurcir la conscience ; notre regard étant dans les choses, il finit par privilégier l’esse, au détriment du percipere, il reste aveugle à l’être propre de la conscience. Ainsi, rien n’éclaire les choses de l’extérieur puisque la matière possède sa lumière en elle-même : on ne peut pas dire que toute conscience soit conscience de quelque chose (l’article de la corrélation est supprimé), il semble même que la conscience, pour réfléchir la matière, fonctionne comme un écran noir : « des images très spéciales auront arrêté ou réfléchi la lumière, et auront fourni l’écran noir qui manquait à la plaque »[67].  Tantôt la conscience en tant que durée se laisse traverser par les choses et ne les réfléchit pas, tantôt, en tant que représentation, elle réfléchit les images en les découpant dans l’espace : tel est le métacinéma de Bergson, qui ne réussit pas la (ré)conciliation entre réflexion et durée ; or, ce n’est pas parce que nous avons une relation immédiate aux choses que nous ne pouvons pas les réfléchir. Sartre de son côté soulignera la nécessité, pour la conscience, d’entretenir un rapport circulaire et spéculaire à elle-même pour être conscience : « la conscience n’a rien de substantiel, c’est une pure « apparence », en ce sens qu’elle n’existe que dans la mesure où elle s’apparaît »[68]. Or, à aucun moment la conscience bergsonienne n’existe en cercle et ne s’apparaît dans un miroir pour réfléchir (à) ce qu’elle est. Elle se manque comme conscience d’un manque, et, ce, précisément parce qu’elle est trop pleine des choses et ne manque de rien ; elle ne se vise pas plus elle-même qu’elle ne vise activement les choses. Une telle conscience étant toujours contemporaine d’elle-même, chacun de ses actes, « comme un père engendre ses enfants, …entretient avec elle un rapport rassurant, une ressemblance familiale »[69] : l’angoisse que toute conscience devrait éprouver face à ses propres possibilités est ainsi masquée.

L’image sartrienne, témoin privilégié de la conscience irréalisante

Finalement la théorie bergsonienne ne marque pas assez qu’en irréalisant le monde, l’image permet de réaliser pleinement la conscience au sens intentionnel. Même si elle représente un point de rupture, l’imagination n’est pas nuisible à la pensée : bien au contraire, elle l’accomplit et lui facilite le travail ; par exemple, il sera plus facile, mentionne Jeanson, d’imaginer quelque vision de beauté que de la définir. De plus, elle invente un sens implicite au réel et change en quelque sorte la face du monde. Or, Bergson rend impossible le passage de l’imagination reproductrice à cette imagination créatrice, dans la mesure où la créativité est, chez lui, rabattue sur la nature même de l’image perçue, au lieu d’être rattachée à un processus isolé de la conscience[70]. Avec Sartre au contraire, la conscience imageante est tout à fait capable d’acte gratuit, désintéressé; l’imagination peut être à elle-même sa propre fin – on imagine pour imaginer- tandis que Bergson réserve la représentation à une action intéressée. En effet, il est tout à fait possible, et même assez courant, que l’esprit imagine pour le simple plaisir d’imaginer : « Telle est bien la rêverie, désintéressée au double sens du terme : sans buts particuliers, et soucieuse seulement d’éviter que le monde objectif lui en puisse proposer- donc ne plaçant pas son intérêt en quelque chose, mais refoulant un monde dont précisément elle choisit de se désintéresser »[71]. Ainsi, la conscience imageante se doit d’être active – mais active au sens de création désintéressée de l’existence et non d’action intéressée à la vie. Même les sentiments les plus imaginairement subis (ceux de la passion par exemple) sont joués pour eux-mêmes, comme une projection du désir sur les écrans de l’imaginaire. Ainsi la thèse d’irréalité fournie par la conscience imageante permet-elle paradoxalement à l’individu de mieux se réaliser, mais ailleurs, en étant dans son monde, en prenant ses désirs pour des réalités. La fixation de l’image nous donnant la douce illusion de posséder l’objet imaginé, elle vient agréablement pallier les déceptions du réel. L’imaginaire serait alors, pour reprendre Sartre, comme l’envers de la situation, l’envers du décor, qui permet à la conscience de se définir contre le monde. A cet égard, il est impossible d’imaginer une conscience incapable d’imaginer… Ce serait la condamner à rester engluée dans l’existant : « Peut-on concevoir une conscience qui n’imaginerait jamais et qui serait tout entière absorbée dans ses intuitions du réel (…) ou bien, dès lors qu’on pose une conscience, doit-on la poser comme pouvant toujours imaginer ? » se demande Sartre [72]. Irréaliser, ce n’est donc pas rien: c’est néantiser le monde d’un certain point de vue, dépasser son existence brute, et cela ne peut d’abord se faire qu’en imaginant. L’imaginaire constitue la partie émergée de l’iceberg, grâce à laquelle nous apparaît notre propre pouvoir de néantisation. Or, la dissolution de la rêverie correspond à un élargissement de la perception, à une (pré)disposition artistique de la conscience[73] et renvoie chez Bergson à l’intuition profonde des choses en soi, non à une faculté d’arrachement. Enfin, chez Sartre, lorsque nous ne provoquons pas nous-même cette irréalisation, l’œuvre d’art s’en charge à notre place, pour ainsi dire : « la contemplation esthétique est un rêve provoqué et le passage au réel un authentique réveil »[74]. L’art nous évitera en effet de sombrer dans une pathologie de l’imaginaire absurde et contingent en donnant naissance à « une mise en forme rigoureuse de nos diverses négations du réel »[75]. Même si la musique ne parvient pas totalement à sauver Antoine Roquentin de la nausée, un espoir apparaît dans les dernières pages : pourquoi ne pas répondre à la gratuité de l’existence par la gratuité d’une œuvre ?[76]

*En conclusion, la théorie des images proposée par Bergson au chapitre 1 de Matière et Mémoire est un point de départ, et non un point d’aboutissement dans la pensée de Bergson ; elle tire son sens de ce qui suit dans les autres chapitres, et fait partie d’un ensemble argumentatif bien plus vaste, qui dépasse même le cadre de l’ouvrage. En effet, être au monde, c’est se donner des objets, donc se donner des images et par là- même poser l’existence d’une conscience non séparée: la notion d’image, diluant toutes ces étapes les unes dans les autres, permet en cela un raccourci saisissant entre notre conscience et le monde, dans le but d’échapper au dualisme et à ses difficultés théoriques. Par conséquent, il y a bien une forme de déduction de la conscience bergsonienne à partir de l’expérience des images, laquelle permet de replacer la conscience dans les choses : en identifiant le monde matériel à la totalité des images, c’est comme si nous avions déjà rapproché celui-ci de la conscience Mais il faudra bien à un moment donné réintroduire ce qui a été ôté au départ, à savoir ce qui fait la spécificité de la conscience, c’est-à-dire sa subjectivité et sa liberté. Telle est la fonction de la représentation et de la mémoire, lesquelles permettent progressivement de rétablir une distinction entre la matière et l’esprit, là où l’image tendait à les rapprocher. Ce n’est donc pas tant la conscience  qui est devenue matière, c’est plutôt la matière qui est dès le départ considérée comme de la conscience en puissance. La théorie des images permettra donc à Bergson de forger indirectement une théorie de la matière, qui trouvera elle-même son fondement dans une philosophie de l’esprit, la matière n’étant qu’un relâchement de  l’activité créatrice. Le mouvement argumentatif semble d’abord aller de la matière des images à la conscience des images, comme s’il s’agissait de comprendre la conscience à partir de la matière,  ce que remarquera Sartre : « il y a une inversion de la comparaison classique : au lieu que la conscience soit une lumière qui va du sujet à la chose, c’est une luminosité qui va de la chose au sujet »[77]. Mais c’est pour mieux comprendre, dans un second temps, la matière à partir de cette même conscience Ainsi, la conscience qui semblait d’abord être un effet de la matière et de la vie, s’avère rétrospectivement en être la cause. En ce sens, les analyses de Bergson relèvent moins d’une phénoménologie que d’une généalogie de la conscience, puisqu’il s’agit « d’aller chercher l’expérience à sa source, ou plutôt au-dessus de ce tournant décisif où, s’infléchissant dans le sens de notre utilité, elle devient proprement l’expérience humaine »[78]. Mais ce qui permet à Bergson de faire descendre la conscience dans les choses est aussi ce qui l’empêche de remonter à l’être- même de la conscience et, par là, à la faculté de néantisation propre à la conscience imageante. L’être du perçu, chez Bergson, submerge tout, comme une lame de fond toujours susceptible de surgir, ce qui occulte finalement l’apparition de la conscience à elle-même. L’image sartrienne, au contraire, dans son rapport au néant, est arrachement à la réalité humaine : elle ne peut faire exister son objet qu’en le détruisant. Ainsi, là où la perception bergsonienne nous donne toujours déjà accès aux choses et nous initie à l’être, l’imaginaire sartrien compromet l’accès à la chose- même et nous initie toujours déjà au non-être, donc à la conscience comme présence à soi.

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

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Situations philosophiques, Tel Gallimard, 1947

 

 SNS UAC

 

 

 

 

EN

SP

 


[1] L’Imagination, II p44

[2] EN, Introduction p15

[3] MM, I p18

[4] Principes de la connaissance humaine,1ère partie, 1

[5] SNS , Le roman et la Métaphysique, p 50

[6] SNS, Le roman et la Métaphysique, p 57

[7]Vous croyez ici  reconnaître  Bergson et le premier chapitre de Matière et Mémoire. Mais Husserl n’est point réaliste ; cet arbre sur son bout de terre craquelé, il n’en fait pas un absolu qui entrerait, par après, en communication avec nous » Sartre, SP, Une Idée fondamentale de la phénoménologie de Husserl, p10

[8] « Artifice rendu possible donc par l’opération réductive qui renonce à saisir le sens d’être du monde pour s’en tenir aux apparences » , Annales Bergsoniennes, Y a-t-il une réduction phénoménologique ? p 279

[9] « Jamais on n’avait ainsi décrit l’être brut du monde perçu » témoigne Merleau-Ponty, Signes Bergson se faisant, p 232

[10]La réduction aux faits, au “tout fait”, est une préparation à une réduction phénoménologique qui vient la redoubler pour atteindre jusqu’au « se faisant » », Annales Bergsoniennes, Y a-t-il une réduction phénoménologique ? p 281

[11] MM , I p 24

[12] SP, Une idée fondamentale de la phénoménologie de Husserl : l’intentionnalité p 9

[13] SP, Une idée fondamentale de la phénoménologie de Husserl : l’intentionnalité p 10

[14] MM, I p 21

[15] « comme si ma vision se faisait en elles plutôt qu’en moi » Merleau-Ponty, Signes, Bergson se faisant

[16] « Nous allons feindre pour un instant(…) » MM p11

[17] MM, I p 41

[18] MM, I p 3

[19] MM, I p1

[20] L’imagination, conclusion p162

[21] MM, I p 11

[22] MM, I  p 17

[23] L’Imagination, II p44

[24] L’imagination, II p 45

[25] « C’est un monde d’universelle variation, universelle ondulation, universel clapotement : il n’y a ni axes, ni centre, ni droite, ni gauche, ni haut, ni bas » Cinéma 1 , L’image- mouvement, p 86

[26] « C’est le cerveau qui fait partie du monde matériel, et non pas le monde matériel qui fait partie du cerveau » MM p 13

[27] EN, Introduction  p 12

[28] L’Imagination, Introduction p 3

[29] « L’image comme image n’est descriptible que par un acte du second degré par lequel le regard se détourne de l’objet pour se diriger sur la façon dont cet objet est donné », L’imaginaire, I p15

[30] MM, IV p 246

[31] PM, La perception du changement, p157

[32] PM, La perception du changement, p 176

[33] L’Imaginaire, I p 36

[34] L’Imaginaire, I p 21

[35] MM, I p 31

[36] L’Imaginaire, I p 17

[37] MM, I p 36

[38] MM, I, p 35

[39]Bergson vise à restaurer le corps dans son débat avec le monde” Merleau-Ponty, UAC, p 79

[40] MM, I p 35

[41] L’Imaginaire, conclusion p 351 et 358

[42] MM, I p 38

[43] MM, I p 34

[44]je crois bien que notre vie intérieure tout entière est quelque chose comme une phrase unique entamée dès le premier éveil de la conscience, phrase semée de virgules, mais nulle part coupée par des points”   ES, p 56

[45] L’Imaginaire, I p 26

[46] Le problème moral et la pensée de Sartre, III, p 66

[47] EN, Introduction p 13

[48] L’Imaginaire, I p 23

[49] L’Imaginaire, I p 28

[50] L’Imaginaire, I p 27

[51] Le problème moral et la pensée de Sartre, III, p 69

[52] Le problème moral et la pensée de Sartre, III p 80

[53] SP, La liberté cartésienne, p 73

[54] « Nous allons de l’absence à la présence, du vide au plein, en vertu de l’illusion fondamentale de notre entendement » EC, p275

[55] « La pensée du néant est un simple néant de pensée. (…) La pensée  ne pense, selon Bergson, qu’en affirmant » Jankelevitch, Bergson, p 208-210

[56] Sartre  parlera même du « prétendu bouleversement bergsonien », L’Imagination, III p 71) après l’avoir taxé d’ « optimisme superficiel et sans bonne foi qui croit avoir résolu un problème quand il en a dilué les termes dans une continuité amorphe »  (L’Imagination, III p 65) !

[57] L’Imagination, II p 57

[58] « Ainsi le néant est ce trou d’être, cette chute de l’en-soi vers le soi par quoi se constitue le pour-soi. Le néant est la mise en question de l’être par l’être » EN p117

[59] « Tantôt Bergson donne tout à l’esprit, tantôt tout au corps. Or il aurait fallu montrer que le corps est exigé par la dialectique du temps à titre de moment, et, inversement, que la conscience implique un corps » Merleau-Ponty, UAC, p 87

[60] L’Imagination, II p 45

[61] « Intuition signifie d’abord conscience, mais conscience immédiate , vision qui se distingue à peine de l’objet vu, connaissance qui est contact et même coïncidence » PM, Essai introductif, Œuvres p1273

[62]Husserl, Ideen, p 102

[63] L’Imagination, II p 49

[64] L’Imagination, II p 57

[65] MM, I p 68

[66] L’Imagination, II p45

[67] Cinéma 1 , L’image- mouvement, p 90

[68] EN, Introduction p 23

[69] EN, p 78

[70] Même si Jankelevitch veut voir déjà chez Bergson l’existence d’une tout autre dimension : « qu’on multiplie le rêve par lui-même autant que l’on voudra, jamais on n’obtiendra la veille : ces deux mondes ne sont pas du même ordre, ils appartiennent à deux plans différents » Bergson

[71] Le problème moral et la pensée de Sartre, III p 71

[72] Cité par Jeanson, Le problème moral et la pensée de Sartre, III 79

[73] « L’art suffirait donc à nous montrer qu’une extension des facultés de percevoir est possible » PM, La perception du changement, p 150

[74] L’Imaginaire, conclusion p 371

[75] Le problème moral et la pensée de Sartre, III p 90

[76] « La Négresse chante. Alors on peut justifier son existence ? Un tout petit peu ?…Est-ce que je pourrais pas essayer… Naturellement, il ne s’agirait pas d’un air de musique…mais est-ce que je ne pourrais pas, dans un  autre genre ? Il faudrait que ce soit un livre : je ne sais rien faire d’autre », La Nausée, p 247

[77] L’Imagination II p44

[78] MM, IV p 205

 

 

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