L’émotion esthétique picturale : bonheur ou nausée ?

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L’émotion esthétique picturale : bonheur ou nausée ?

            Que faire dans un monde dont on n’est pas l’auteur ? Et comment se réjouir d’être soumis au poids de la facticité, contingence d‘être né quelque part, sans raison apparente, lame tranchante et transcendante de la mort qui réduit à néant, tôt ou tard, tous nos projets ? On se sent inessentiel, « de trop » , honteux face à un livre ou une œuvre d’art qui trouvent leur justification en eux-mêmes. Il est probable que ce sentiment vient à Roquentin d’un défaut d’imaginaire, d’un engluement dans la conscience percevante : l’art seul pourrait alors, en substituant le sentiment esthétique au sentiment d’absurdité, nous sauver du naufrage de la perception, nous conférer la liberté d’être « au-dessus de l’existence[1] » , puisqu’il tente de combler ce manque de sens tout en le dénonçant. D’ailleurs que fait Sartre dans « la Nausée  » , si ce n’est s’irréaliser lui -même dans un personnage qui ne parvient pas à s’irréaliser ? Pourquoi dans ce cas ne pas répondre à la gratuité de l’existence par la gratuité d’une œuvre d’art ? Au moment final où Roquentin se questionne, Sartre semble avoir déjà répondu. Le réel ne suffit pas à l’artiste ; hanté par le désir de le « doubler » (dans tous les sens du terme : multiplier par deux,  dédoubler, dépasser, au risque de se faire doubler lui-même …), il crée quelque chose d’autre, comme « par-dessus le marché » .

Mais l’œuvre de Sartre témoigne par elle-même d’une réponse plus ambivalente : l’art et l’écriture ne lui suffisant pas, il lui faut accrocher le sens des choses par une enquête phénoménologique ; l’essai philosophique permet alors de rationnaliser et de théoriser ce que l’œuvre littéraire ne dit que de manière implicite. Puis, lorsque les concepts ne suffisent plus à leur tour, il lui faut revenir à la création imaginaire, comme pour donner une nouvelle matière intuitive à ses idées. Or, ce va-et-vient permanent, cette dualité des deux Sartre écrivain-philosophe se confirme et se totalise dans la relation qu’il entretient avec la peinture tout au long de son existence.

            Pour Sartre, l’engagement dans le bonheur ne semble pas être séparable du bonheur de l’engagement, mais l’engagement des uns faisant le désengagement des autres, ce qui permet d’inclure l’écrivain revient parfois à exclure l’artiste-peintre ; c’est tout du moins l’impression qui se dégage d’une période allant jusqu’en 1947, au cours de laquelle l’esthétique picturale de Sartre se construit déjà, mais de façon sous- jacente et par la négative ; l’art d’écrire est en effet considéré par Sartre comme un bonheur et un engagement assez complets, mais  – le paradoxe mérite d’être souligné –  cet engagement dans la matière du monde est aussi un mouvement vers une entité absente, car l’écrivain est « un homme qui se sert des mots[2] » , il dépasse donc le signe pour le mettre au service d’une signification. L’écriture est à la fois, par le biais du langage, action dans le monde et signification au – delà des mots. Or, cette ambivalence réapparaît à propos de l’artiste-peintre, non sans avoir subi une permutation importante,  –  comme un retournement praxique qui trouverait sa source dans un détournement esthétique. En effet, les premières lignes de « Qu’est-ce que la Littérature ?  »  indiquent que le peintre n’est pas engagé « de la même manière[3] »  ; et ce, pour deux raisons apparemment contradictoires : tout d’abord, nous savons depuis La Nausée ou L’Imaginaire, que le peintre, comme tout artiste, se situe « au-dessus de l’existence [4] » , le réel ne lui suffit pas ; il est hanté par le désir de « doubler » la réalité plutôt que de la modifier, au risque de se faire doubler lui -même, d’ailleurs … Et pourtant, précise le texte de 47, tout en nous indiquant la deuxième raison de ce désengagement, son geste s’inscrit toujours déjà dans la matière du monde et nécessite un retour incessant à l’opacité des choses. Autrement dit, la peinture, à l’instar de la musique, de la sculpture ou de la poésie, et à l’inverse de l’écriture, serait à la fois création imaginaire hors du monde et signification dans la matière des choses. La question est alors de savoir si le peintre est un individu dégagé de toute responsabilité morale, ne connaissant pas le bonheur de l’engagement, ou bien s’il parvient à se réaliser personnellement dans son œuvre tout en faisant le bonheur des autres. La contemplation esthétique, ce « rêve provoqué[5] » , sauve-t-elle l’artiste et le public du naufrage de la perception sous l’impulsion de l’imaginaire, au risque de les couper du monde, ou bien nous plonge-t-elle dans la matière des choses, au risque de nous y engloutir ? L’émotion esthétique picturale serait-elle une continuation de la nausée par d’autres moyens ou bien les tableaux peuvent-ils provoquer en nous une authentique joie ?

            Nous remarquons tout d’abord qu’il y a chez Sartre  une nausée persistante du musée ; l’écrivain-philosophe utilise l’artiste-peintre comme un personnage repoussoir et les musées deviennent sous sa plume des lieux de culte. Car l’art pictural semble possédé par l’art officiel ; il ne parle que le langage du pouvoir ou de la bonne conscience. Par ordre d’apparition sur la scène idéologique picturale, on trouvera la visite du musée de Bouville par Roquentin, musée qui possède à l’entrée son tableau -confessionnal intitulé « La mort et le célibataire »  ; et visite qui fut inspirée par celle du musée de Rouen en 1934 ; or c’est précisément le pouvoir d’illusion et l’illusion de pouvoir qui relie les deux : dans un cas « débouchant brusquement dans une salle inconnue, raconte Sartre, il m’est arrivé de prendre les personnages d’un immense tableau pour des hommes » , dans l’autre, les portraits officiels des chefs et des notables qui pendent au mur témoignent de « l’admirable puissance de l’art » [6] quand il rivalise de stratagèmes pour sacraliser les plus petits et les plus médiocres d’entre nous grâce à des « petits sanctuaires peints[7] » . Dans les Chemins de la liberté, la visite de l’exposition Gauguin par Mathieu et Ivich est encore l’occasion de parodier l’esprit de sérieux, sans oublier « la plus française des vertus, la Pertinence[8] » . Elle est suivie de la visite du Modern Art Museum de New York par Gomez, peintre repenti depuis la guerre d’Espagne ; la peinture aseptisée, séraphique, du maudit Maudrian (et non Mondrian), cette peinture innocente pour gens heureux, qui « met à l’abri des microbes et des passions » , confirme le général espagnol dans son dégout de l’art. Elle ne fait pas le poids vis-à-vis de la réalité extérieure : « il était joyeux parce qu’il avait quitté le Musée : la chaleur c’était un cataclysme, mais elle était vraie [9] » . Malheureux en peinture, Gomez incarne précisément le cas de conscience du peintre qui doit choisir entre s’engager ou créer, et qui se décide « en une heure[10] »  pour la première des deux solutions ; car « on ne peut pas peindre le Mal  »  et, à l’instar de la littérature dont Sartre disait que si elle « n’est pas tout, elle ne vaut pas une heure de peine[11] » , de la même manière, « si la peinture n’est pas tout, c’est une rigolade[12] » renchérit Gomez. Chaque visite de musée sera donc vécue dans la littérature sartrienne comme un mini séisme esthétique dont on ne sait s’il est causé par un trop plein de signification ou par un vide conceptuel ; probablement les deux, puisque le prêt-à-peindre idéologique nous aveugle tout en éludant la question du sens. Le bref essai sur les « Portraits officiels » présentera les peintres comme des artisans au service de la classe dominante qui « déchargent le prince du soin de penser son droit divin[13] » . Trop de signification tue le sens et aveugle les sens. D’ailleurs, dans le fragment intitulé « Saint Marc et son double » , dont le titre semble indiquer la duplicité du maniériste Tintoret, Sartre se souvient de sa visite aux Offices de Florence ou à l’Académie de Venise : « vous trouverez par centaines des œuvres fades, monotones, ennuyeuses, l’Auteur visait à la Beauté, il a raté son coup ; elles ne retiennent pas ; on passe ; voilà tout. Et tel est justement l’effet de l’éclectisme : une heureuse insignifiance qui mêle les traditions, les styles, concilie les écoles et donne au visiteur une douce envie de mourir mais ne choque jamais[14] » . Même le Tintoret, que l’on pourrait considérer comme le premier peintre maudit, est un suspect qui n’échappe pas au reproche de l’illusionnisme pictural ni à la métaphore du procès permanent ; il nous utilise et nous sommes ses complices : « Le Tintoret aveugle par une composition à la Titien et profite de notre éblouissement pour nous faire encaisser son intuition personnelle[15] » . Tous les peintres évoqués par Sartre seront d’ailleurs considérés comme des manipulateurs, des sorciers qui nous envoûtent, jusqu’à produire  la confusion entre l’imaginaire et le monde perçu : le propos de Giacometti « n’est pas de nous présenter une image, mais de produire des simulacres[16] » . Lapoujade lui aussi nous tend des pièges puisqu’« il introduit d’autres figures dont la nature est étrangère à celle de l’objet visé [17] » , quand Masson construit sa propre mythologie : l’article que lui consacre Sartre commence d’ailleurs par cette phrase qui pourrait valoir pour tous les autres et où il semble adopter le point de vue de la société bien pensante : « l’artiste est un suspect » . Sartre ira même jusqu’à condamner la « sorcellerie surréaliste »  qui, chez un Picasso, nous fait prendre des boites d’allumettes pour une « grenouille »  ou pour une « chauve souris » [18], alors que celui-ci, comparé à Mondrian, semblait, dans Les Chemins de la liberté, faire partie de ces peintres qui « posent des questions gênantes[19] » .

            L’art pictural est donc une antimatière qui n’agit pas encore tout à fait comme un remède anti-nauséeux, mais plutôt comme un trompe-l’œil : comme toujours en art, « mentir pour être vrai[20] » constate déjà le soldat Sartre dans les Carnets de la drôle de guerre ! D’ailleurs, dans l’Imaginaire, l’œuvre d’art est définie comme un irréel et la matière analogique de la toile ne semble être que le prétexte à un texte ou à un objet invisible, absent ou inexistant, situé hors de la toile, confiné dans un monde fictif. La théorie de l’analogon, en créant un lien entre la chose perçue et l’objet visé à travers elle, semble déplacer et désincarner l’œuvre picturale, la couper du monde, sans pour autant gagner le statut ni l’engagement du prosateur ; le tableau n’agit sur rien et rien n’agit sur lui, il est sans conséquences car « l’irréel ne peut être vu, touché, flairé qu’irréellement[21] » ; d’où le soupçon de désengagement et le coefficient d’irresponsabilité qui pèse sur le peintre : il brille par son absence, il « est au ciel de l’irréel, hors de toute atteinte[22] » . De là aussi découle l’indifférence du public : comment les œuvres d’art, ces presque rien, ces « êtres étranges qui échappent aux lois du monde[23] » , pourraient-elles nous toucher ou nous émouvoir  et comment pourrions-nous saisir l’irréel sur une toile ? Pour Sartre, « le monde des images est un monde où il n’arrive rien[24] » , ni bonheur ni peine réels, puisque la conscience imageante sollicitée détermine elle-même le contenu au moment où elle le vise, et souffre, dès lors qu’elle donne d’un bloc tout ce qu’elle sait déjà, d’une « pauvreté essentielle[25] » . Pour comprendre son esthétique, il faut se débarrasser du préjugé selon lequel l’imaginaire est riche de lui -même : car il n’y a pas de création ex nihilo et « le monde imaginaire se donne comme un monde sans liberté[26] » . Même si l’artiste et le spectateur jouissent d’une pure liberté ontologique, celle6ci reste donc comme suspendue en l’air sans jamais se compromettre dans l’existence concrète. Les visiteurs de musées sartriens, en dignes héritiers des personnages de Flaubert, entérinent la vacuité du monde imaginaire par la vacuité de leurs commentaires. Et nous devrions nous aussi nous questionner sur notre attitude esthétique au musée, passant d’une toile à l’autre sans nous arrêter ou si peu, cherchant la signature avant de chercher le sens, ne percevant la matière de la toile que pour l’oublier en se demandant ce qui est représenté et non de quelle manière cela est représenté. Il y a dans toute peinture, nous dit Sartre, un sentiment de déjà vu ou de déjà su. L’image, cette « tunique sans couture » , comme dit Jeanson, n’est que la re-présentation distanciée de quelque chose, et non un retour aux choses-mêmes selon le vœu de Husserl. Elle se solde d’ailleurs par un sursaut, une contracture perceptive, lorsque nous revenons à la crudité du réel : la sortie du musée, chez Sartre, se révèlera tout aussi laborieuse que sa visite : Roquentin ne parvient plus à écrire, il contemple « ce papier éblouissant : comme il était dur et voyant, comme il était présent[27] » ; Ivich à la sortie de l’exposition Gauguin se plaint d’un mal de tête et porte la main à ses yeux : « C’est comme si on me les crevait à coup d’épingles[28] »  ; pour Gomez, un building est plus vrai qu’un tableau de Claude Lorrain, « les tableaux ce sont des rêves[29] » .  Quand on est de mauvaise foi picturale, on se rend au musée comme on s’endort, et lorsqu’on en sort, c‘est comme un retour à « l’écœurement nauséeux qui caractérise la conscience réalisante[30] » . La toile semble donc être ce vaisseau fantôme, vue imprenable sur le néant, postulant son propre espace-temps, exigeant une conversion de la conscience vers l’irréel qui exigera plus tard une reconversion tout aussi brutale pour en sortir. Et l’on pourrait dire d’un Titien, que Sartre déteste, contrairement à Simone de Beauvoir, « Monsieur est sorti » : « on entre dans un tableau désert, on marche au milieu des fleurs, sous un juste soleil, [mais] le propriétaire est mort [31] » .

L’œuvre d’art suscite donc au mieux, telle la mélodie de « Some of these days » ou la 7ème symphonie de Beethoven, le désir naïf d’une exécution parfaite ou d’une pleine possession ; au pire, l’irritation, l’agacement face à un être sans consistance qui nous échappe : « Qu’est-ce que ça peut me faire à moi des tableaux, dit Ivich à Mathieu, si je ne peux pas les posséder. A chaque fois je crevais de rage et d’envie de les emporter, mais on ne peut même pas les toucher [32] » . Au final, le désintéressement et la gratuité seront les seules contreparties à l’irréalité de l’œuvre. Mais du désintéressement au désintérêt et de la gratuité à l’absurdité, il n’y a qu’un pas. Or, Sartre souligne à plusieurs reprises l’incompatibilité d’une esthétique qui nous arrache au monde et d’une morale qui nous commande d’y revenir et de le transformer. D’ailleurs, l’art – ou tout du moins cet art-là – ne nous sauvera pas : « quand Roquentin pense qu’il  va être sauvé à la fin par l’œuvre d’art, précise Sartre, il se fout dedans. Il va aller à Paris et puis il fera n’importe quoi mais il ne sera pas sauvé[33]  » . Et quand bien-même le peintre parviendrait à exprimer quelque chose de vrai, il n’est pas certain que cela le remplisse de joie. Souvenons-nous de « Doigts et non-doigts » , l’article consacré à Wols, dans lequel Sartre martèle l’obsession et l’angoisse profondes du peintre : « Klee c’est un ange et Wols un pauvre diable. L’un crée ou recrée les merveilles de ce monde. L’autre en éprouve la merveilleuse horreur. Toutes les chances du premier ont fait sa seule malchance : le bonheur reste sa limite. Toutes les malchances du second ont fait sa chance unique : le malheur est illimité [34] » . Y aurait-il dans ce cas un « qui perd gagne » applicable aux peintres ? A quelles conditions y aurait-il, selon Sartre, un bonheur dans la peinture, dans le fait de créer, de voir un tableau, ou plutôt, pour reprendre l’expression de Merleau-Ponty, de « voir selon lui » ?

            Le peintre, pour répondre aux attentes de la phénoménologie, devra se replacer, lui-même ainsi que sa toile, au cœur du monde, à la façon des impressionnistes et de Cézanne, dirait Merleau-Ponty, ou à la façon de Lapoujade, le nouveau peintre des foules, dirait Sartre : « l’homme au milieu des hommes, les hommes au milieu du monde, le monde au milieu des hommes[35] » , ce qui permettra de gagner sur deux tableaux : éviter la confiscation idéologique et reconquérir le sens de la matière. Car « la peinture, dit Sartre, ne vaut rien à moins de rendre tout ; un tableau s’adresse à l’homme tout entier et non pas à la seule rétine[36] » . Le peintre devra donc sortir de l’illusion des « fantômes optiques[37] »  pour nous aider à ressentir les choses-mêmes, ce  qui implique non seulement de renoncer à la « perspective monoculaire » , mais aussi de renoncer à vouloir dire quelque chose ; le peintre ne doit pas jouer à l’écrivain, ni à l’intellectuel ; il doit uniquement se préoccuper d’art et de regard : « toute une vie contre un œil : voilà le marché[38] » . Sartre ne pouvait donc guère s’enthousiasmer pour  l’art contemporain, où le discours autour de l’œuvre compte au moins autant que la facture de l’œuvre. Il préfère la modernité, qui permet au mieux de concilier l’expression de l’invisible et la manipulation du visible. Déjà, à propos du Tintoret, Sartre se demande : « Quel sera-t-il, ce nouvel objet plastique qu’il faut voir et sentir à la fois ?[39] » , faisant du peintre vénitien, mais aussi de chacun des autres peintres « sartriens » , un précurseur, un visionnaire capable de transformer la distance en sensation, la perspective en profondeur, quitte à refuser la figuration du visible, quitte à passer pour un « outsider » . Car le regard après tout demeure à une certaine distance de la toile, et l’on se tient toujours à distance respectueuse d’un tableau ; ce qui ne fait que confirmer notre exil corporel : « Voir, ne l’oublions pas, c’est d’abord refuser : le regard file comme un dard, atteint l’objet au plus loin et le cloue à son lieu comme un phalène sur un bouchon[40] » . Comment dans ce cas donner de la profondeur sans mettre en perspective, ni s’embourber à nouveau dans l’épaisseur des choses ?

            A partir de 1947, et au fur et à mesure qu’il va côtoyer les peintres et leurs ateliers, Sartre va peu à peu construire, de fragments en fragments, d’un hommage à l’autre, ce que nous pourrions appeler une esthétique picturale de la présence ; il affirme  ainsi la matérialité et l’autosuffisance de l’analogon plutôt que son instrumentalité. La notion de sens gagne, pourrait-on dire, en sensibilité ; la toile comme chose réelle, comme « être -au-milieu-du-monde[41] » – celui dont les couleurs peuvent s’écailler, celui qui peut brûler, – devient constitutive du tableau visé. En vérité, la théorie de l’imaginaire valait plus pour l’image mentale (die Phantasie) que pour l’image picturale (das Bild), peu thématisée par Sartre dans ses essais philosophiques, parce qu’il semblait à cette époque plus préoccupé par une éventuelle matérialité de l’analogon mental que par la dualité de l’analogon pictural : il faut donc replacer l’image dans un contexte matériel et perceptif pour comprendre l’évolution de l’esthétique sartrienne et le passage de la nausée au plaisir pictural. Ce que Sartre va définir comme le « sens  »  de la toile, c’est un quasi-sensible, à la fois présent et absent, toujours déjà présent à l’intérieur de la toile, qui affleure à sa surface, au lieu d’être visé au-delà ; on comprend alors que le supposé désengagement du peintre n’était en fait qu’un dégagement interne au monde des choses, permettant d’en extraire le sens. « L’émotion est devenue chose, elle a maintenant l’opacité des choses[42] » , explique Sartre dans Qu’est-ce que la littérature ? ; comme cette déchirure jaune du ciel au-dessus du Golgotha dans la « Crucifixion » du Tintoret : « c’est une angoisse faite chose » ou comme cette « gaieté acide » qu’on ne saurait distinguer du « vert pomme » . D’ailleurs, Le Tintoret, « ce croyant sombre [qui] n’admet qu’un absolu : la matière » , ne peint rien qu’il n’ait d’abord touché ; il peint en sculpteur, semblable en cela à Giacometti, comme pour réintroduire la densité de la matière dans la planitude de la toile ; la toile possède son propre sens à la façon d’un buvard qui boit l’encre, et non plus comme un mot dont la texture demeure étrangère à sa signification. Car le peintre ne se sert pas de la toile comme le prosateur se sert des mots, il ne veut rien dire, il transforme une chose en signe en transportant des « couleurs-objets » sur sa toile, et ce qui le desservait dans la comparaison avec l’écrivain lui sert désormais à affirmer son identité propre. Les arts « non signifiants »  retrouvent ainsi un certain crédit esthétique aux yeux de Sartre ; ce qui les empêchait d’être de purs signifiants, volubiles, pour ne pas dire bavards, leur permet de devenir riches d’une présence silencieuse, part inépuisable d’invisible dans le visible. La joie esthétique est à ce prix : quel que soit le côté de la toile où l’on se trouve, il faut savoir se taire, suggérer au lieu de montrer, éprouver au lieu de signifier. La toile « non signifiante » devient ainsi une compression du signifié dans le signifiant et notre regard s’abreuve aux rives de la toile perçue, à la source intarissable de la matière, dans un va et vient permanent, de l’intérieur même de l’objet devenu signe ; or, c’est notre regard qui possède ce pouvoir unique de transformer la matière en mouvement, les lignes en vecteurs : « Je sens rouler mes globes oculaires dans mes orbites ; leur sillage reste sur les choses, je le vois, c’est un vecteur. Et, bien entendu, j’ai fait travailler mes muscles, j’ai consommé de l’énergie … A 80 centimètres de moi, mon regard patine sur une surface plane ; faute de rien sentir, je laisse les objets peints s’imprégner de sa vitesse et je la déchiffre en eux comme une de leurs qualités[43] » . L’irréel postulé par l’imaginaire « habite » et « possède » désormais la réalité peinte, comme lorsque nous disons d’un regard qu’il est « habité » . Mais qui possède qui, au juste ? Est-ce l’œuvre voulue par le peintre qui nous possède ou bien notre regard qui possède l’œuvre en retour ? Il semble que les deux regards cohabitent au sein d’une toile devenue carrefour, entrelacs, et que ce soit précisément cette rencontre qui lui confère une épaisseur supplémentaire. Puisqu’« il n’y a pas de sentiments sans un sous-ensemble de phénomènes corporels[44] » , précise Sartre, la contribution des corps – corps de l’artiste, corps de l’œuvre, corps du spectateur – à la constitution de l’image picturale et d’un bonheur partageable devient indépassable.

            En outre, la présence invisible du sens dans la matière de la toile est confirmée par l’ambivalence du concept de plaisir esthétique chez Sartre. Le bonheur d’imaginer réside toujours ici dans la puissance de négation, mais cette négativité doit, pour provoquer une joie esthétique, être favorable à la création de soi, hors de soi, plutôt qu’à la fuite hors de soi. Une émotion pour devenir esthétique doit emprunter son autonomie, sa capacité de transcendance à l’imaginaire. Mais en même temps, elle doit conserver le trouble de l’affect et gagner le corps tout entier, sans quoi cette émotion-image ne nous toucherait pas vraiment ; pour briser la distance qui nous sépare de la toile, il faut que le regard s’oublie dans la matière. Ce sera donc, au final,  une quasi-émotion qui nous transporte, nous « met hors de nous » , puisque le peintre nous dirige comme un metteur en scène au cinéma, nous obligeant parfois  à des contre -plongées, des détours, mais notre regard l’accompagne et en restitue le sens. C’est donc une « émotion-image » dont l’origine peut être, par exemple, chez Le Tintoret,  « l’image d’une déséquilibration mécanique » [45], puisque, comme chacun le sait, le fils de teinturier s’est spécialisé dans la chute et le déséquilibre des corps. Il faut alors compenser la distance du regard, ce « faux raccourci [46] » , par des « grumeaux d’espace [qui] se révèlent à nos muscles, à nos tendons, à nos os, [mais] jamais à nos yeux[47] » . Ainsi, l’émotion esthétique reste une conduite magique, une forme d’envoutement puisque la toile est possédée par son objet, et notre corps, à son tour, comme possédé par la toile ; nous sommes passifs face à la perception de cette matière analogique que nous n’avons pas choisie. Puis nous nous mettons à croire en elle comme signe d’autre chose : car l’émotion esthétique, comme toute autre, secrète ce à quoi elle adhère. Est-ce à dire pou autant que ce n’est qu’une comédie, une forme de complaisance à soi -même, comme lorsque nous nous mettons à pleurer au son d’une mélodie ? Après tout, une émotion authentique n’est-elle pas toujours pour Sartre  une attitude de mauvaise foi ? Pas tout à fait, puisque, dans le cas présent, cette foi picturale s’accompagne toujours d’un possible retour à la conscience percevante, comme c’est le cas lorsque nous nous approchons de la toile pour en observer les détails. L’image picturale ne possède pas le caractère louche, obsédant et fatal du rêve ou de l’hallucination. Nous pouvons donc à tout moment décider de rompre la contemplation esthétique et nous dégager de la posture imaginaire qui consiste à « faire comme si » . Finalement , nous ne faisons que prêter notre corps à la peinture ; poser l’objet    comme irréel est peut- être une négation mais certainement pas un déni du réel ; nous nous laissons saisir par les toiles des grands maîtres tout en restant maîtres de les saisir comme toiles ou non, de la même manière que le peintre « ayant mis une touche sur son tableau se recule et s’oublie en tant que peintre pour subir le résultat comme spectateur[48] » . La conscience qui contemple un tableau n’a donc pas, comme la conscience qui rêve, totalement perdu son être-dans-le-monde ; car nier le monde implique de poser le monde comme totalité, de même que transformer la toile en tableau implique une prise de recul esthétique : « C’est précisément en se mettant à distance par rapport à son tableau que le peintre impressionniste dégagera l’ensemble « forêt  »  ou « nymphéas  »  de la multitude des petites touches qu’il a portées sur la toile[49] » précise Sartre. Il faut donc bien que la toile soit concrètement vue sur fond de monde, ou soit en situation au milieu du monde pour être contemplée comme tableau, de même qu’il est préférable, selon Wols, de représenter les doigts par des non-doigts « pour illustrer le fait que les doigts ne sont pas des doigts[50] » ; Sartre ira même jusqu’à conclure, préparant ainsi la philosophie de Merleau-Ponty, que la réalité est toujours déjà grosse d’imaginaire, que « l’imaginaire représente à chaque instant le sens implicite du réel[51] » . Par conséquent, l’image picturale reste dans le monde tout en dédoublant le sens du monde : de même que « la conscience réalisante enveloppe toujours un dépassement vers une conscience imageante qui est comme l’envers de la situation[52] » , nous pourrions dire que la toile enveloppe toujours en elle son propre dépassement vers un sens qui est comme l’envers de la toile, et que nous désignons comme « tableau » . Or, le matiérisme, qui pourrait parfois passer pour un « confusionnisme plastique[53] » , offre cette synthèse capable d’exprimer la double appartenance de l’analogon pictural à la fois au monde de l’émotion, de la perception passive et de la spontanéité imaginaire. Le Tintoret peint des émotions passives à double sens, l’équilibre des apparences n’y est qu’une apparence d’équilibre : le corps « y parvient au prix de coûteux efforts, coordonnés encore mais incontrôlés, c’est la dictature de la moelle épinière[54] » ; le réflexe de compensation que nous lui prêtons révèle en fait le drame de la verticalité et le possible déséquilibre qui en résulte. Ce n’est que l’ombre d’une peur, contenue dans l’image, mais qui remonte jusqu’à nos rétines puis s’étend au corps tout entier, faisant surgir, et ce dès le premier coup d’œil, le sens de la pesanteur : « Allez vous poster devant la toile, observez-la, observez-vous, nous conseille Sartre ; vous vous surprendrez à faire du jaillissement l’unité dynamique et temporelle de l’objet[55] » . De même Rebeyrolle, le dernier dans la série des peintres « sartriens  » , accumule des matériaux sur ses toiles pour constituer un « ordre nouveau, matériel et plastique » , comme s’il ne voulait pas abandonner les choses à elles-mêmes : « toute cette matière il faut la prendre à pleine main et la disposer » en conclue Sartre[56].

            La part d’émotion provient donc de la matière de l’œuvre que l’artiste offre à notre regard et que nous ne pouvons changer. Mais comme la jouissance sensuelle –celle que l’on éprouve face aux rouges de Matisse par exemple  – ne saurait à elle seule constituer une attitude esthétique, la part d’esthétique provient du regard qui anime cette matière pour y faire surgir une « beauté explosante fixe » (expression empruntée à André Breton), comme « faisant partie d’un ensemble irréel[57] » . La peinture permettrait ainsi de saisir la part de sens et d’irréel contenus dans les choses, sans endosser leur statut pour autant. Elle n’est ni tout à fait chose concrète, ni tout à fait abstraction imaginaire : c’est une image faite chose par la médiation du regard d’un autre, un sens qui nous est suggéré plus qu’imposé. Ce qui n’empêche pas le peintre d’opérer des transfigurations, des prises d’otages ou encore des détournements plus ou moins subversifs : ainsi le Tintoret s’est-il fait une spécialité de détourner les messages religieux, privant Saint Georges d’une lance et d’un acte héroïque bien visibles, ou transformant le massacre des Innocents en une « panique de femmes » , une véritable « crapaudière » .

            La toile ne peut donc devenir une œuvre qu’à condition d’être à son tour (dé)possédée par celle du regard d’un autre ; le « mutisme » du peintre et l’intuitionnisme qui en découle vont, à n’en pas douter, accentuer le rôle de l’intersubjectivité dans la contemplation plastique : « le peintre est muet : il vous présente un taudis c’est tout ; libre à vous d’y voir ce que vous voulez[58] » déclare Sartre. Est-ce à dire que le plaisir pictural n’est qu’un bonheur en demi-teintes ? Il faudrait plutôt dire que c’est un bonheur à double face ou à double détente. Car le travail du peintre obéit à une logique du « qui gagne perd » , – après tout, comme Sartre aime à le répéter : « c’est le mauvais qui fait les grands artistes[59] » – et le regard du spectateur obéit à celle du « qui perd gagne » . Le peintre a la sensation de posséder son œuvre au moment où il la réalise, et peut ainsi contempler sa propre liberté hors de lui. Mais cette matière picturale est aussi le medium qui conduit à sa perte, puisque la création est comme parachevée, continuée par le regard d’autrui. Ce qu’il gagne d’une main, il doit aussitôt le rendre de l’autre car le monde qu’il a créé doit regagner celui du public. A l’inverse, ce que le public perdait en découvrant une matière picturale hors de lui, il le regagne en se l’appropriant d’un regard. Il faut bien, préciseront encore les Cahiers pour une Morale, que la création échappe au créateur, puisque si l’œuvre créée n’apportait pas plus et autre chose que l’intention initiale, comme l’effet apporte plus que la cause, il n’y aurait pas de création à proprement parler, mais simplement émanation : la toile doit donc « déborder » le créateur. D’ailleurs Giacometti, aux dires de Sartre, restait accroché à ses œuvres jusqu’au bout « comme un avare à son magot » , jusqu’à ce que des hommes entrent dans son atelier et viennent les emporter : « c’est que ces esquisses mouvantes, toujours à mi – chemin entre le néant et l’être, toujours modifiées, améliorées, détruites et recommencées, se sont mises à exister seules et pour de bon, [elles] ont entrepris loin de lui une carrière sociale[60] » . Mais le créateur « déborde » à son tour sa propre création, puisqu’il sera toujours plus et autre chose que cette œuvre-ci et ne saurait s’y épuiser. Il ne faut donc pas que cette œuvre cesse complètement de lui appartenir ni qu’il s’y incarne tout entier ; l’altération de l’œuvre est une condition de son existence comme telle, le bonheur des uns faisant le malheur de l’autre et réciproquement : « En un mot il faut que l’intention donne l’être comme précisément extérieur dans son être à cette intention[61] » .

            Deux désirs impérieux se rencontrent ainsi dans une œuvre pour en prendre possession, mais il ne s’agit que d’une quasi possession pour chacun des deux ; l’œuvre ne se possèdera toute entière que dans la somme des deux, par une double incantation. Et même si, selon Sartre, « le regard incompréhensif d’un Iroquois laisse inchangé le tableau de Picasso qui reste tableau-pour-Picasso[62] » , notre regard, à partir du moment où nous en saisirons le sens, ne le laissera pas intact.

Toute création est donc à la fois un appel à la liberté transcendante de l’autre, et par là-même l’acceptation que ce dévoilement soit le fait d’un autre; l’expression « donner à voir » prend ici tout son sens, si, comme le dit Sartre, « le plaisir esthétique, est la prise de conscience de la liberté devant l’objet » : l’artiste-peintre délègue sa joie esthétique à un autre, virtuel ou réel, par le biais d’une matière autre, parce qu’il crée quelque chose qui le dépasse : « c’est pourquoi l’appel est toujours émouvant : parce qu’il est don, parce qu’il est révélation d’une liberté en difficulté, parce qu’il est reconnaissance de la liberté infinie de l’autre[63] » .

            En conclusion, nous pourrions dire que la peinture exacerbe le problème de tout artiste : comment exprimer ce sens que l’on ne peut dire avec des mots mais qui ne peut être tu ? Et plus particulièrement : comment faire entrer le temps dans l’espace du tableau ? Problème qui devient pour Sartre le suivant : comment décrire ce sens que l’on voit sans pouvoir le montrer, sans le dé-peindre c’est-à-dire sans sortir de la peinture ? L’ambivalence de l’esthétique picturale de Sartre, d’abord négative et critique, puis fondée sur un intuitionnisme de la matière, ne fait que refléter l’ambiguïté de toute toile, à la fois présente au regard du public et porteuse d’un sens invisible. L’écriture de Sartre, qui se « picturalise  »  pourrait-on dire, au fur et à mesure qu’il entre dans les toiles, témoigne à la fois de cette tension interne du tableau et du plaisir que l’écrivain prend à faire entrer l’espace du tableau dans l’espace de la lettre. Quand il compare les saints du Tintoret à des super-héros des cartoons américains qui s’écrasent, à des 38 tonnes ou à des haltérophiles, quand il retranscrit la temporalité baroque de Saint Georges et le Dragon, quand il décrit  les métamorphoses de Masson, les foules de Lapoujade ou les visions de Wols, Sartre semble se promener dans la toile tout en offrant de véritables descriptions phénoménologiques : il écrit ce qui apparaît,  il coule une image dans une autre, il nous suggère de la voir à travers lui, établissant des relations entre surface et profondeur, entre présent et passé, entre images et concepts. Bref il tisse sa propre toile par-dessus la toile existante. Non contente d’être un laboratoire d’essai de ses thèses philosophique, la peinture devient alors un véritable atelier d’écriture où Sartre fait parler des toiles qui ne parlent pas : la boucle est bouclée, l’écrivain a fini par rejoindre le peintre, dépassant la défiance de la pensée pour l’image et tentant d’exprimer, sans les trahir, avec une écriture « explosante fixe » , le mouvement du regard dans la toile, le bonheur d’approcher le sens absolu, le secret du tableau. Ainsi devrions-nous toujours songer, en relisant les essais de Sartre sur la peinture, surtout les plus méconnus d’entre eux, à ce qu’il déclarait en face de l’autoportrait du Tintoret réalisé à 70 ans : « Il a quelque chose à nous dire, il nous parle. Essayons de le comprendre » .


[1] J.-P. Sartre, La Nausée, « Bibliothèque de la Pléiade », Gallimard, Paris, 2005 (NAU) p. 210

[2] J.-P. Sartre, Qu’est-ce que la littérature ?, « Folio essais », Gallimard, Paris, 1986 (QL) p. 26

[3] Ibid., p. 11

[4] NAU, p. 247

[5] L’Imaginaire, « Folio essais », Gallimard, Paris, 1986 p. 371 (IMGR)

[6] NAU, p. 134

[7] Ibid., p. 135

[8] L’Âge de raison, in Les Chemins de la liberté, « Bibliothèque de la Pléiade », Gallimard, Paris, 2005, p. 468-469 (AR)

[9] Ibid., p. 1161

[10]Ibid., p. 433

[11] « Les Ecrivains en personne », Situations IX , Gallimard, Paris, 1987, p. 15 (SIT IX)

[12] AR, p. 1160

[13] « Portraits officiels », Les Écrits de Sartre, Gallimard, Paris, 1980, p. 557

[14] « Saint Marc et son double », Revue Oblique, « Sartre et les arts », Borderie, Paris, 1981 (SMD) p. 172

[15] Ibidem.

[16] « Les peintures de Giacometti », Situations IV, Gallimard, Paris, 1993, p. 362-363 (SIT IV)

[17] Ibid.,  p. 376

[18] « Un parterre de capucines », SIT IV, p. 439 ; QL, p 21

[19] La Mort dans l’âme, in Les Chemins de la liberté, « Bibliothèque de la Pléiade », Gallimard, Paris, 2005, p. 1158-1159 (MA)

[20] Carnets de la drôle de guerre, Gallimard, Paris, 1995, p. 375

[21] QL, p. 262

[22] Ibid., p. 275

[23] Ibid., p. 260

[24] Ibid., p. 29

[25] Ibid., p. 26

[26] Ibid., p. 328

[27] NAU, p. 136

[28] AR, p. 470

[29] Ibid., p. 1161

[30] IMGR, p. 371

[31] « Le Séquestré de Venise », SIT IV, p. 340

[32] AR p. 477

[33] Sartre, un film réalisé par A. Astruc et M. Contat, Gallimard, Paris, 1977, p. 59

[34] SIT IV, p. 413

[35] SMD p. 383

[36] Ibid., & 16

[37] Ibid., & 15

[38] Ibid., p. 195

[39] Ibid., & 61

[40] Ibid.,  & 59

[41] IMGR, p. 351

[42] QL, p. 25

[43] SMD, & 59

[44] IMGR, p. 264

[45] SMD, p. 197

[46] Ibid., & 16

[47] Ibidem.

[48] IMGR, p. 257

[49] Ibid.,  p. 354

[50] SIT IV, p. 424

[51] IMGR, p. 360

[52] Ibid.,  p. 360

[53] Ibid.,  & 6

[54] SMD, p. 184

[55] Ibid.,  & 102

[56] SIT IX, p. 321

[57] IMGR, p. 364

[58] QL, p. 15

[59] SMD, & 95

[60] SIT IV, p. 293

[61] Cahiers pour une morale , Gallimard, Paris, 1983, p. 157

[62] Ibid., p 135

[63] Ibid., p 296

 Sophie Astier-Vezon

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