Le Tintoret, premier peintre de la pesanteur

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Comme pris en tenaille entre la mort de Copernic et la naissance de Galilée, le Tintoret découvre les lois de la pesanteur, annonçant par la fulgurance d’une intuition ce que le physicien se contentera de formuler mathématiquement, confirmant encore une fois la priorité de l’intuitif sur le discursif : « Je sens couler en moi l’air que je respire, et l’oxygène brûler mes poumons. Naturellement Newton est de la fête. Et Galilée. Par eux le poids d’un corps est visible ; nos yeux soupèsent et nos mains voient »[SARTRE]. Il place ainsi déjà le corps humain dans un espace post-copernicien, un espace uniformisé et désenchanté, où la terre tourne, où l’homme doit apprendre à vivre dans un monde dont il n’est pas l’auteur, un nouvel « espace qui se referme sur l’humanité et la totalise » [SAINT MARC ET SON DOUBLE. SARTRE & 18.]. Le tableau qui le fit connaître et qui fit scandale s’intitule « Saint Marc sauvant l’esclave » (1548) : on y voit un Saint, venu sauver un esclave supplicié, mais aux dires de Sartre, le saint ressemble plus à un superhéros de cartoons américains, ou à un 38 tonnes risquant de s’écraser sur la foule … Cela devient à partir de cette époque une véritable manie, un parti pris récurrent du Tintoret : tous les corps s’effondrent ou vacillent, sont en déséquilibre ou sur le point de tomber… (cf les personnages sur la gauche par exemple) ; c’est la suggestion de cet équilibre instable qui lui vaudra, probablement, et d’être considéré par Giacometti comme « LE » peintre, et de devenir aux yeux de sa propre ville, Venise, le premier peintre maudit, peut être même le premier peintre existentialiste…

Sophie Astier-Vezon

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