Un des tout derniers tableaux de Van Gogh
« Champs de blé aux corbeaux », 1890, l’un des derniers tableaux de Van Gogh, qui se suicide quelques jours après…
Serait-ce surinterpréter ou être victime d’une illusion rétrospective que de voir dans ce tableau le commencement de la fin ? La dimension de toute œuvre d’art est universalisable, parce qu’elle se fait toujours sur fond d’univers et tente de circonvenir le monde : les tableaux, insistait déjà Sartre dans Qu’est-ce que la Littérature ?, seront comme « des fenêtres ouvertes sur le monde entier ». L’image du chemin rouge tracé par Van Gogh avant de mourir et que nous suivons à travers les champs est assez parlante : il indique qu’à l’horizon de toute oeuvre, il y a autre chose que l’oeuvre en soi ; le regard que nous portons sur le tableau nous entraîne bien plus loin que le peintre ne l’a lui-même voulu et peint, au crépuscule de sa vie, car « nous prolongeons à l’infini, jusqu’à l’autre bout du monde la terre profonde qui soutient l’existence des champs et de la finalité ». Ainsi, chaque peinture est dépasséé par le sens que nous lui donnons, de même que chaque acte est débordé par les effets qu’il produit. L’artiste est dépossédé du sens de son oeuvre, de même que chacun de nos actes est dépossédé, par le regard des autres, du sens qu’il prenait pour nous, mais c’est là la condition pour que son oeuvre / cette vie existe objectivement. L’intersubjectivité, en peinture comme ailleurs, est la condition de l’objectivation.
Sophie Astier-Vezon