Disserter
Il s’agit de résoudre une énigme en construisant soi-même un tissu logique de preuves, comme un détective reconstituant des indices …
Il existe quatre types de questions de dissertation, du plus rare au plus courant :
1 ) la question ontologique, socratique du type « qu’est-ce que … ? » Ex Qu’est-ce qu’avoir conscience / réussir sa vie ? Difficulté = pas de contradiction apparente, il faut l’inventer soi-même ; Danger : faire une liste de définitions sans progression logique ni dialectique.
2) la demande de contenu (qui, que, quoi, pourquoi, comment … ?) Ex : Qui doit gouverner ? Pourquoi craindre les machines ? Difficulté = il y a un présupposé caché qui doit être reformulé voire discuté (les hommes ont besoin d’être gouvernés, les machines sont potentiellement dangereuses) Danger = faire un listing
3) l’alternative (ou bien ou bien) Ex : La vérité est-elle contraignante ou libératrice ? Difficulté et avantage = la contradiction est lisible, d’ores et déjà imposée donc contraignante . Danger : n’examiner qu’une des deux possibilités. Un plan dialectique permettant de dépasser l’alternative est le bienvenu, pour montrer qu’une 3ème voie est possible ou que les deux peuvent coexister, être la cause l’un de l’autre.
4) la question problématisée (9 fois sur 10) à laquelle on peut répondre par oui ou non : Ex : Peut-on douter de tout ? Difficulté et avantage : le oui et le non indiquent la thèse et l’antithèse, mais peuvent donner lieu à une opposition caricaturale ne permettant pas de dépasser la contradiction de l’intérieur ou de l’extérieur. On peut commencer par le oui ou le non selon la force des thèses en jeu (donner d’abord la parole à la thèse qui nous paraît la plus faible et la plus contestable).
Au brouillon:
- Définir les termes du sujet (conceptualiser) : chacun des termes en jeu dans la question posée, même un article ou un adverbe peut avoir son importance (cf: définitions du cours, étymologiques, du sens commun, mais toujours philosophiques in fine : on peut partir de l’opinion à condition de la dépasser), afin d’obtenir une définition opératoire pour tout le devoir, assez large pour englober tous les problèmes qui vont être abordés, mais assez précise pour être pertinente et déjà ouvrir sur d’éventuels problèmes ; faire varier la polysémie des termes importants ; confronter les définitions entre elles.
- Problématiser : substituer ces définitions aux termes correspondants pour reformuler la question autrement (ne jamais se contenter de la répéter) ; déduire les question qui se posent à partir de là sous forme d’alternative : si … alors … mais si … alors… ; aller toujours des questions les plus générales aux question les plus particulières. On doit obtenir une contradiction apparente entre au moins deux thèses.
- Argumenter : (on peut utiliser un tableau en format paysage et le remplir au fur et à mesure que les arguments viennent et s’organisent ou bien colorier les arguments qui soutiennent la même thèse). Pour chaque thèse , apporter une argumentation réfléchie, toujours justifier ce qu’on avance, soumettre ce qui semble évident au « pourquoi ? », recherche des causes ensuite illustrée par des auteurs et des exemples : pour quelles raisons, en quel sens peut-on dire que … ? A quelles références (théories , citations) peut-on penser pour les illustrer ? A quels exemples peut-on penser ? (lesquels ne sont pas des preuves en soi, mais des moyens d’appuyer une argumentation déjà élaborée). L’histoire de la philosophie doit n’être qu’un moyen au service du philosopher. Eviter le catalogue d’auteurs, d’exemples, ou d’opinions (les uns pensent que …, les autres pensent que…, ce n’est pas un sondage !)
- Organiser : ordonner logiquement les thèses (affirmations) et les arguments (moyens de les justifier) qui les soutiennent de manière à obtenir une argumentation rigoureuse et cohérente ; il ne s’agit pas de répondre catégoriquement oui d’un coté, non de l’autre, mais de passer successivement en revue ce qui peut être opposé sur le sujet. Ne pas se contredire dans une même partie ni se répéter d’une partie à une autre.
- Articuler : d’où l’importance des articulations entre les parties et sous-parties; il faut passer d’une idée à l’autre en marquant le lien qui les unit au sein d’une même partie (phrase de transition); entre deux parties opposées il faut absolument gérer une transition qui montrera qu’elles peuvent être complémentaires l’une de l’autre, qu’on se place seulement d’un autre point de vue par exemple. Le paragraphe de transition est essentiel pour montrer que la contradiction n’est qu’apparente et que chacune des 2 thèses n’est qu’une facette d’une même réalité qui est en elle-même contradictoire : il doit reprendre la thèse soutenue en I et annoncer l’antithèse soutenue en II par un levier logico-philosophique du type : contre exemple, raisonnement par l’absurde, variation sémantique du sens d’un mot. On ne peut pas répondre oui ou non car la réalité est dialectique en elle-même, le raisonnement doit donc imiter et rendre compte de cette dimension dialectique du réel.
- obtenir un brouillon clair, lisible et ordonné, mais pas trop détaillé sinon il y a perte de temps ; un canevas suffit.(valable pour sujet 3)
- rédiger l’introduction (sauf problème de lenteur à l’écrit) qui doit reprendre dans l’ordre: définitions et leurs confrontation, reformulation de la question posée et de l’alternative càd des termes de la contradiction, annonce du plan sous forme de questions directes ou indirectes avec phrase de transition justifiant le passage d’une partie à une autre.
Au propre:
- la dialectique peut être interne (2 parties : Thèse / antithèse mais nuancées par un paragraphe de transition et des arguments qui montrent que ce ne sont que les deux facettes d’une même réalité) ou externe (3 parties : thèse / antithèse/ synthèse : dans ce cas il faut être sûr d’avoir suffisamment d’arguments pour créer une 3ème thèse : on y montrera que ce qui semblait se contredire peut en fait coexister voire même être la cause l’un de l’autre ; ne pas répéter des arguments de la thèse ou de l’antithèse, ne pas tomber dans un relativisme mou (tout le monde a gagné, peut-être ben que oui, peut-être ben que non) ; la synthèse est une thèse à part entière qui permet de dépasser la contradiction tout en la conservant).
- aller du + général au + particulier au sein de chaque partie.
- développer chaque argument jusqu’au bout, quitte à en montrer les difficultés ou les paradoxes; tenter de les résoudre; ne pas annoncer une idée pour l’abandonner aussitôt. Toujours justifier ce qu’on avance.
- il faut d’abord présenter sa réflexion personnelle et seulement ensuite l’illustrer par des auteurs ou des thèses philosophiques connus de vous.
- éviter la première personne (si ce n’est un « je » universel), de se mettre en scène, préférer un ton neutre, impartial. La dissertation n’est pas un divan de psychanalyste …
- choisir des exemples à portée philosophique, càd qui ont valeur universalisable et non des exemples personnels ou trop portés sur l’actualité car réducteurs / manquant de recul critique ; toute forme de culture est la bienvenue (scientifique, artistique, historique, littéraire etc)
- faire régulièrement le bilan de ce qui est en jeu dans le sujet et du moment où l’on se trouve dans l’argumentation : rappeler régulièrement l’argument ou la thèse soutenus pour ne pas perdre le fil du sujet.
- la conclusion doit faire le bilan sincère de ce qui a été montré sans se répéter ni relancer la discussion sur une autre question (pas d’ouverture car soit c’est trop tard, il fallait en parler avant, soit c’est trop tôt, c’est un autre problème).
- se relire et se corriger; soigner l’orthographe et le style.
Sophie Astier-Vezon
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