BIOGRAPHIES
Biographie succincte des « peintres sartriens »
LE TINTORET
( 1518-1594)
Il est né en à Venise et doit son surnom (le petit teinturier) à son père, Battista Robusti, qui travaillait dans une teinturerie (tintorìa en italien). Élève de Titien, il est réputé avoir dépassé son professeur dans la maîtrise des couleurs et des ombres, du rendu de la matière, s’inscrivant ainsi parmi les grands du style vénitien. Le garçon est-il trop impatient d’affirmer sa personnalité ? Ou bien le patron a-t-il surpris quelques dessins de lui et l’a-t-il renvoyé de crainte que de pareils débuts ne révèlent un concurrent potentiel ? Toujours est-il que Jacopo ne reste que quelques mois chez Titien. Il s’intéresse aux courants maniéristes diffusés à Venise par des artistes comme Sansovino, Salviati et Schiavone. Il a également une grande admiration pour Michel-Ange qui l’a probablement influencé dans sa technique du dessin. Le Tintoret avait aussi une passion pour les effets de lumière : il réalisait des statues de cire de ses modèles et expérimentait l’orientation des sources de lumière avant de les peindre. En conséquence, certains visages réapparaissent dans différents travaux, sous différents angles et sous un éclairage différent. Entre 1578 et 1580 il se rend à Mantoue pour travailler au service du duc Guglielmo Gonzaga. À cause du nombre de ses commandes, Tintoretto dut souvent recourir à l’assistance de ses enfants, Domenico et Marietta Robusti, qui étaient tous deux des artistes confirmés, très influencés par le style de leur père. Il meurt à Venise le 31 mai 1594.
MASSON
(1896-1987)
Peintre et scénographe français , André Masson passe son enfance à Bruxelles, où il découvre les esquisses de Rubens et de Delacroix. Très tôt, ses dons de dessinateur se révèlent, et ses parents décident de l’inscrire à l’École des Beaux-arts de Paris. Mais avant d’entrer dans la vie artistique, la Première Guerre mondiale l’oblige à s’engager comme soldat d’infanterie sur le front. En avril 1917, grièvement blessé au cours de l’offensive du Chemin des Dames, il est hospitalisé. Il s’enfuit, est retrouvé et, finalement, interné jusqu’à l’Armistice. Il est, à ses débuts, influencé par le cubisme et le symbolisme, et, très marqué par les horreurs de la première guerre mondiale, il adhère au surréalisme, vers 1923-24. Son amitié avec Michel Leiris, Desnos, Artaud, Queneau inscrit André Masson dans un mouvement où l’intérêt pour Rimbaud, les romantiques allemands et, surtout, Nietzsche, est prédominant. Ses tableaux, à la limite de l’abstraction, au graphisme « automatique », deviennent bientôt des pièces majeures du mouvement (1927: « Tableaux de Sable »). André Masson explore une thématique du mythe, de la cruauté et de l’érotisme. De 1941 à 1945 il s’exile aux USA. Sa peinture se fait plus violente, expressionniste : il aura d’ailleurs une influence déterminante sur la jeune peinture américaine, en particulier Pollock. De retour en France, André Masson s’installe à Aix-en-Provence, redécouvre l’impressionnisme et est influencé par l’art oriental, mais revient rapidement à un art plus coloré et nerveux. Les années 1950 sont celles d’une approche de la doctrine zen, Masson ressentant le besoin d’un peu de calme « après tant de tableaux dramatiques » ; sa peinture en devient plus fluide et plus graphique. Il dessine des lignes noires sur des fonds colorés. Mais ce moment d’apaisement tant souhaité ne résiste pas à sa propre tourmente intérieure. Le plafond du théâtre de l’Odéon, qu’il représente en 1965, la Tragédie et la Comédie se partageant le champ de la passion humaine dit assez que ce qui l’anime au plus profond de son être, c’est une inquiétude métaphysique sur le destin de l’homme. Masson a également travaillé à des décors de théâtre et illustré de nombreux livres. En 1976, le Museum of Modern Art de New York lui a consacré une rétrospective, ainsi que le Grand Palais à Paris.
GIACOMETTI
(1901-1966)
Vers 1914, Alberto Giacometti exécute ses premiers portraits, peints et sculptés, en prenant pour modèles les membres de sa famille. À Padoue, en 1920, il s’enthousiasme pour Giotto. À Rome, un an plus tard, il étudie les collections égyptiennes et peint des paysages « pointillistes ». À Paris, en 1925, il désespère de réaliser ce qu’il voit et s’éloigne du visible d’après nature (« la forme se défait, rien à fixer, tout échappe ») pour aller vers des structures imaginaires proches du cubisme, influencées par Laurens, Lipchitz, l’art africain et la statuaire cycladique. En 1927, Alberto Giacometti expose au Salon des Tuileries ses premières œuvres surréalistes. Sa première exposition personnelle a lieu en 1932. Giacometti se lie alors d’amitié avec André Breton (1930) et collabore aux activités du groupe surréaliste. De cette période date la célèbre sculpture l’Objet invisible (1934). De nouveau, il hésite à rendre la réalité des corps et celle des formes abstraites. Il veut à la fois travailler avec un modèle et travailler de mémoire. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il vivra à Genève où il rencontrera Annette. En 1946, ils retourneront ensemble à Paris où ils se marieront en 1949. C’est pendant ce mariage que Giacometti sera le plus productif ; patiente, sa femme l’aide beaucoup et pose longuement pour lui. Tout change cependant en 1945, Giacometti s’oblige à faire des figures plus grandes: « mais, à ma surprise, elles n’étaient ressemblantes que longues et minces » Il exécute alors des figures isolées, en mouvement, fixes dans l’espace, et des groupements de figures. En 1965, malgré sa santé défaillante, il part aux États-Unis pour exposer au Musée d’Art moderne de New York. Alberto Giacometti meurt des suites d’un cancer à l’Hôpital Cantonal de Coire (Suisse) le 11 janvier 1966.
WOLS
(1913-1951)
Alfred Otto Wolfgang Schulze dit Wols est est né à Berlin en 1913. Après avoir été violoniste, il s’intéresse très tôt à la photographie et suit une formation artistique au Bauhaus. En 1932, il rencontre Max Ernst, Tristan Tzara, Miro, Calder, au cours d’un premier séjour à Paris. Il fréquente le milieu surréaliste. Tout en commençant à peindre des aquarelles, il devient photographe de mode. Il a, par exemple, réalisé un très beau portrait photographique de Max Ernst. Il connaît son premier succès avec la commande pour le pavillon de la mode à l’Exposition universelle en 1937 et se verra longtemps soutenu par le peintre Mathieu, qui déplore lui aussi l’abstraction géométrique, la « tyrannie de la règle et du compas ». En septembre 1939, il est interné au camp des Milles, comme ressortissant allemand. Son mariage lui permettra d’être libéré en octobre 1940. Il se réfugie ensuite à Dieulefit. Alcoolique, il consent à une désintoxication en 1951 et meurt la même année, à Champigny-sur-Marne, vraisemblablement d’une intoxication alimentaire (il aurait mangé de la viande avariée).
LAPOUJADE
(1921-1993)
A la mort de son père , Lapoujade est obligé de cumuler diverses activités pour vivre ; il interrompt ses études à l’âge de 14 ans, et assume l’emploi de garçon-boucher – activité qu’il a pendant sept ans et dont il prétend avoir tiré sa solide constitution physique. Ses rares moments de loisirs sont alors occupés à dessiner et a peindre. Il fait sa première exposition d’œuvres figuratives à Montauban en 1939, où il a son premier atelier. Pendant la guerre, il est envoyé à Uriage pour faire un stage d’art dramatique. Il y fait des décors et des costumes. Puis, dans les Hautes-Alpes, il est prête-nom, sous le pseudonyme de Lucien Reynaud, dans une maison refuge pour des juifs traqués. Ensuite, réfractaire an S.T.O. en Allemagne, il doit se cacher dans les bois, où il mène une vie d’ermite. Il continue à créer, avec de la terre et des feuilles, et profite de cette retraite pour lire les grands auteurs. Arrivé à Paris en 42, il se lie d’amitié avec les directeurs des Éditions du Seuil, Paul Flamand et Jean Bardet, et commence une collaboration suivie avec la maison de la rue Jacob, dont il dessinera le logo encore utilisé aujourd’hui. Il est chargé d’illustrer des recueils et des couvertures. En 49, l’exposition de 50 dessins se décompose en trois ensembles : 29 portraits de personnalités de l’époque (Bachelard, Bataille, Breton, Emmanuel, Mauriac, Claudel, Sartre, Eluard etc.), onze illustrations pour Les voies de petite communication de Louis Pauwels (Seuil, 1949), et des œuvres diverses. Chaque portrait, exécuté à la pointe d’argent sur parchemin, est accompagné d’une méditation autographe de l’écrivain sur le thème du visage. Il publie, entre autres, Les Mécanismes de fascination, en hommage à Cézanne, avec une préface du philosophe Jean Hyppolite. Il réalise ensuite son premier court-métrage : Enquête sur un corps en 59. La plupart de ces premiers petits films expérimentaux lui ont été commandés par le service de recherche de l’ORTF, alors dirigé par Pierre Schaeffer. En 1968, le long métrage : Le Socrate obtiendra le prix spécial du jury au festival de Venise. Le film raconte l’histoire d’un philosophe qui quitte tout pour chercher la vérité. Lemmy, policier, suit cet « original » et devient peu a peu son disciple. Le film tire son originalité d’une juxtaposition de divers types de « collages » (plans fixes, propos décalés, etc.). En 1973, le long-métrage : Le Sourire vertical, considéré comme pornographique, est censuré, et provoque un scandale. On y retrouve des thèmes picturaux, notamment la reconstitution des tableaux délirants de Jérôme Bosch. En 1980, Lapoujade devient professeur à l’école supérieure des Arts Décoratifs de Paris (jusqu’en 1986). Vers 1981, abandonnant définitivement le cinéma à la suite des déboires financiers du Don Quichotte, Lapoujade se remet a peindre, malgré une maladie qui le paralyse peu à peu. Il participera aux expositions Autour de Sartre, à Londres et Rome en 1985. Il meurt en 1993 : « Le Monde » annoncera la « disparition d’un provocateur solitaire ».
REBEYROLLE
(1926-2005)
Atteint d’une maladie qui nécessite une immobilisation totale quand il est enfant, en minerve plâtrée, il passe son temps à dessiner, et ses parents, instituteurs, lui apprennent à lire et à écrire. A la libération, il « monte » à Paris pour devenir peintre. Evènement important: le Louvre rouvre ses portes, le choc est incommensurable, tous les dimanches, il profite de la gratuité du musée, qui présente les Vénitiens, Rubens, Rembrandt … Marquant son opposition à la propagande d’intensification de la « guerre froide », il adhère au parti communiste. Il le quittera en 1956, en réaction aux évènements de Hongrie et à la duplicité du P.C. face à la guerre d’Algérie. Il symbolise cette rupture dans un grand tableau qu’il intitule A bientôt j’espère. Cette période est également caractérisée par les choix artistiques qu’affiche Paul Rebeyrolle, notamment son rejet de la peinture abstraite et du réalisme socialiste. A 33 ans, il réalise à Eymoutiers Planchemouton, un grand tableau commandé par le comité de la première Biennale de Paris pour orner l’escalier du palais des Beaux Arts. Planchemouton est le nom de la grange où il peint ce tableau et celui du ruisseau qui borde l’actuel Espace Paul Rebeyrolle (l’œuvre y est exposée). A partir de 1968, les thèmes politiques qui reflètent ses engagements s’inscrivent dans des séries. Le 7 février, il s’éteint à Boudreville en Côte d’Or.