Réapprendre à marcher avec le Tintoret : Les 2 Présentations au temple
Présentation de la Vierge au temple
Présentation du Christ au Temple
Dans les tableaux du Tintoret, le corps doit descendre (chuter) ou monter (escalader), mais rien ne se donne jamais à plat ni en repos : tout est relief et mouvement. Et tout mouvement corporel, même ascensionnel, n’est qu’un mouvement annonciateur d’une chute à venir : « Ils s’inclinent, ils vont tomber, ils tombent tous »[1]. Prenons l’exemple d’un être vivant sur terre, mais supposé posséder une destinée surnaturelle : dans ce cas, le Tintoret conjugue la difficulté de l’ascension avec le risque de déséquilibre dans la descente. Lorsqu’il s’est agi de présenter la Vierge au temple, par exemple, le Tintoret ne s’est pas focalisé sur la fillette, déjà postée à la cime du tableau ; c’est un escalier monumental et « une matrone chargée de nous affranchir » qui lui volent la vedette, révélant la massivité de ce qui devrait nous porter ou nous élever[2]. De même, quand il s’agit cette fois de conduire le Christ au temple, lui et sa mère, présentés de loin et de profil, sont repoussés en arrière ; c’est encore un escalier et une jeune mère ne tenant que sur une seule jambe que l’on découvre au premier plan : « Quel effort éreintant, que de précautions à prendre si l’on ne veut pas se casser la gueule à chaque pas ! » ironise Sartre. Il nous faut ainsi réapprendre à marcher, comprendre, comme dans un numéro d’équilibriste, que le fait de peser et de retomber sur ses pieds n’a rien d’évident : marcher, ce n’est rien d’autre, si l’on redéfinit ce mouvement si naturel par la négative, que tomber « d’un pied sur l’autre »[3].