Qui pousse qui ? Les Visitations du Tintoret
Dans « La Visitation » de la Pinacothèque de Bologne (1539), la Vierge Marie, « à bout de course, à bout de souffle » est proche de défaillir ; mais comme « prolongée, la force ascensionnelle s’arrache de la Vierge et va buter contre sa mère », laquelle ne se maintient artificiellement que grâce à une colonne lui servant de béquille, suivie de près par sa servante. C’est ainsi que le Tintoret donne l’impression (illusoire) d’un équilibre (instable) en adossant deux déséquilibres l’un à l’autre : « Poids et contrepoids : comme pour les pendules et les funiculaires ». Dans une autre « Visitation », plus tardive (1588), Le Tintoret fera s’écrouler les deux femmes dans les bras l’une de l’autre, ne ménageant plus ni ses personnages, ni son public. Plutôt que de faire comme tout le monde et de situer la rencontre en ville et en terrain plat, il transporte les saintes femmes en haut d’une colline pour mieux les faire défaillir. Les deux femmes ressemblent à des lutteuses s’empoignant jusqu’à faire chuter l’autre…